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Billie Jean King, l'entretien avec Ouest-France

Billie Jean King a gagné 12 titres du Grand Chelem et a été numéro un mondiale. L'américaine de 78 ans n'a pas uniquement forgé sa légende sur les courts de tennis. Première sportive à révéler son homosexualité, elle s'est férocement battue contre toute forme de discrimination et pour l'émancipation des femmes, elle qui est restée célèbre pour sa victoire contre Bobby Riggs dans la "Bataille des sexes". Entretien dans le cadre de la sortie de son autobiographie, Autobiographie d'une icône chez Talent Éditions. 

Une simple question peut parfois changer le monde. Un jour d'été 1954, dans une salle de classe de CM2 à Long Beach (Californie), Susan Williams demande innocemment à sa camarade : "Est-ce que tu joues au tennis ?". Ce à quoi la jeune fille myope, yeux bleus et cheveux noirs, répond : "C'est quoi le tennis ?"

 

Quelques lectures plus tard, sur la Française Suzanne Lenglen, "première superstar de notre sport", et sur l'histoire de ce drôle de jeu, la curieuse Billie Jean, née Moffitt, est déjà tombée amoureuse de la petite balle jaune. En rentrant de son premier essai avec une raquette dans la main, elle s'exclame : "Maman ! Maman ! J'ai trouvé ce que je vais faire dans ma vie. Je le sais c'est tout ! Tu verras." Les deux fois, sa mère sourit avant de répondre : "D'accord, ma chérie"

Chez les Moffitt, le sport est une religion, un art de vivre. Le père, Bill, de qui elle tient son prénom, avait failli jouer au basket en BAA, l'ancêtre de la NBA. Le frère Randy s'apprête à embrasser une carrière professionnelle dans le baseball. Mais chez les Moffitt, l'argent est rare. Ainsi, Billie Jean achète des bonbons à la pharmacie du coin, qu'elle revend un peu plus cher à ses camarades, jusqu'à économiser assez de dollars pour s'offrir sa première raquette. 

Une simple prise de conscience peut parfois rendre le monde meilleur. Un soir, alors qu'elle vient d'assister pour la première fois à un match de baseball, elle rentre la mine déconfite, ses parents ne comprenant guère pourquoi. Un peu plus tôt, elle venait de comprendre que les effectifs professionnels de MLB étaient entièrement masculins. Pas une fille sur le terrain. Le sport semble entièrement réservé aux hommes. Quelques jours plus tard, lors d'un entraînement, son premier formateur Clyde Walker lui soutient que le service kické n'est pas fait pour les filles. Pour toute réponse, elle le réussit du premier coup. 

"Je n'ai plus joué au tennis pendant un an quand j'ai réalisé que tout le monde était blanc"

À chaque discrimination, frontale ou insidieuse, la jeune Billie Jean Moffitt cherche une parade. "Je crois que, chez moi, cette volonté-là a commencé dès mes sept ans nous confie-t-elle. Je savais que je voulais me battre pour mes valeurs sur l'égalité. Je n'ai plus joué au tennis pendant un an quand j'ai réalisé que tout le monde était blanc, habillé tout en blanc dans les clubs. Je me suis demandé pourquoi on ne voyait pas d'autres personnes sur les courts." Soixante ans avant le mouvement Black Lives Matter, la lutte contre les discriminations raciales s'éveille dans l'esprit de la Californienne, qui s'identifie très vite à Althea Gibson, première joueuse noire de l'histoire à remporter un tournoi du Grand Chelem, à Roland-Garros en 1956. Elle racontera plus tard qu'au cours de sa carrière, l'un des rares jeunes garçons noirs d'Hawaï, qui la regardait à travers un grillage, avait été découragé par les remarques racistes de son prof de tennis. "Je ne devais pas toucher le planning des matches épinglés sur le tableau parce que ma couleur pourrait déteindre", évoquera ce jeune garçon dans ses futures mémoires...

Billie Jean Moffitt comprend très vite qu'elle devra se battre pour obtenir son dû. En 1958, âgée de 14 ans, elle est obligée de faire le voyage en train avec sa mère jusqu'en Ohio, à l'autre bout des États-Unis, pour disputer les championnats nationaux de sa catégorie. 

Quelques semaines plus tard, on lui demande, en cours d'anglais, d'imaginer ce que sera sa vie. Elle parle alors de sa première participation à Wimbledon, le tournoi le plus prestigieux au monde. Elle évoque son arrivée dans une famille anglaise, sa défaite en quart de finale face à Darlene Hard, avant de rédiger une brève conclusion. Elle s'imagine, 27 ans plus tard, mariée, entourée de ses quatre enfants, diplôme en poche. 

"Même si je n'ai jamais atteint mes ambitions en tennis, je suis tellement heureuse d'avoir pris un autre chemin et d'avoir poursuivi mes études après le lycée au lieu de devenir une bonne à rien de joueuse de tennis" écrit-elle alors. "La conclusion conventionnelle montrait juste à quel point j'avais commencé à intérioriser le scénario banal pour les femmes blanches de la classe moyenne de ma génération analyse-t-elle 64 ans plus tard, dans son autobiographie. À cette époque, les ambitions d'une fille à l'aube de l'âge adulte se limitaient, au mieux, à poursuivre des études supérieures et connaître une réussite modeste. Tant que cela n'interférait pas, bien-sûr, avec le mariage et les enfants. Les femmes étaient supposées abandonner leurs rêves pour favoriser les ambitions de leurs maris."

Les Original 9 et le contrat à un dollar

Wimbledon sera le tournoi de sa vie. À partir de sa première participation en 1961 (à 18 ans, comme elle l'avait imaginé dans sa dissertation), elle aura le gazon chevillé au corps. Elle raconte notamment, dans son livre, sa découverte du mythique Centre Court. Ce jour-là, un ami journaliste la fait grimper dans les gradins déserts et, une fois tout en haut, lui intime de fermer les yeux avant de se retourner. En les rouvrant, elle découvre alors "le plus beau court de tennis jamais créé". Quelques minutes de contemplation plus tard, elle lui demande : "Est-ce qu'on peut rester là pour toujours ?"

Sa première victoire sur le court de ses rêves vient cinq ans plus tard (en 1966, année où elle réalise aussi son rêve de devenir numéro un mondiale), après notamment deux défaites contre Margaret Smith Court, sa plus grande rivale. Au total, elle s'y impose six fois en simple (un record qui tiendra jusqu'à l'avènement de Serena Williams) et vingt fois au total, en comptant le double et le double mixte (ce record tient toujours). 

Mais Wimbledon, Billie Jean King faillit y renoncer pour une bonne raison. En 1970, la gronde commence à monter chez les joueuses au regard des dotations de l'US Open : 20 000 dollars pour le gagnant, 7 500 pour la gagnante. Pire, seulement deux tournois féminins sont prévus par la USLTA (la fédération américaine de tennis) sur la saison 1971. Une goutte d'eau fait alors déborder le vase. Deux semaines après l'US Open, le promoteur Jack Kramer organise le Pacific Southwest Championships, avec un écart de dotation abyssal (jusqu'à huit fois plus d'argent pour les hommes) et injuste (les participantes du tableau féminin ne seraient pas rémunérées qu'à partir des quarts de finale, alors que tous les participants du tableau masculin toucheraient un chèque). 

Neuf joueuses (Rosie Casals, Nancy Richey, Kerry Melville, Judy Dalton, Val Ziegenfuss, Peaches Bartkowicz, Kristy Pigeon, Patti Hogan), dont Billie Jean King accompagnés de Gladys Heldman, promotrice et éditrice du magazine World Tennis, décident de boycotter le tournoi et d'en organiser un autre, 100% féminin, au même moment à Houston. Pour contourner la juridiction de la USLTA, elles signent un contrat symbolique. "Je ne peux pas vous payer", prévient Gladys Heldman. Du tac au tac, Billie Jean King formule une réponse qui aurait bien pu sonner le glas de sa carrière : "Alors verse-nous un dollar. Un contrat d'un dollar est tout aussi contraignant qu'un de mille milliards de dollars." Le Virginia Slims, circuit exclusivement féminin, est né. Il sera renommé par la suite WTA Tour. 

"Le tennis a été précurseur et leader pour tout le sport féminin"

"Le tennis a été précurseur et leader pour tout le sport féminin, soutient-elle. Nous avons dû mettre en péril nos carrières, alors que nous étions dans notre "prime", pour pouvoir offrir un meilleur avenir aux générations futures. Si toutes les filles sont payées dans n'importe quel tournoi aujourd'hui, c'est grâce à ce qu'on a fait en 1970. Si nous n'avions pas eu ce courage, les femmes n'auraient pas ce qu'elles ont aujourd'hui." Cette année, les Original 9 - le nom donné à ce groupe de femmes - seront intronisées à l'International Tennis Hall of Fame. "C'est la première fois qu'un groupe de personnes sera intronisé. J'ai toujours appréhendé le tennis comme un sport d'équipe. Ce sera l'un des moments de ma vie dont je serai la plus fière."

Trente-quatre ans plus tard, en 2007, Wimbledon et Roland-Garros ont été les premiers tournois du Grand Chelem à offrir les mêmes dotations aux hommes et aux femmes. "Mais nous ne sommes pas encore totalement égaux en termes de gains sur le circuit, les hommes gagnent encore toujours plus que nous, avertit Billie Jean King, qui est aujourd'hui actionnaire de l'Angel City FC, club de foot entièrement géré par des femmes. Après 50 ans de lutte, nous en sommes proches, ce qui est loin d'être le cas dans les autres sports."

La "Bataille des sexes" et la victoire du féminisme

Cinquante ans de lutte, et un grande bataille, en 1973. Peut-être l'une des plus dures qu'elle ne dut jamais mener. La "Bataille des sexes". Cette année-là, un ancien numéro un mondial du nom de Bobby Riggs décide, à 55 ans, de faire parler de lui. Machiste et provocateur, il voit d'un mauvais oeil l'émancipation des joueuses et soutient que le tennis féminin reste "inférieur à celui pratiqué par les hommes". Et de clamer : "Aucune joueuse en activité ne pourrait jamais venir à bout d'un retraité. [...] Les femmes doivent rester à leur place." Billie Jean King est alors numéro un mondiale. Il lui propose un affrontement contre un joli chèque de 100 000 dollars en cas de victoire. "BJK" refuse. Margaret Court dit oui. Elle est balayée 6-2, 6-1, et le match est surnommé "Mother's Day Massacre" ("Massacre de la fête des Mères"). 

Billie Jean King se sent alors obligée de défier Bobby Riggs, pour laver l'affront, et l'honneur des femmes. Le match a lieu le 20 septembre 1973, à Houston, lieu décidément clé dans la carrière de l'Américaine. La pression est énorme. L'évènement promet d'attirer 30 000 spectateurs dans le monumental Astrodome et 90 millions de téléspectateurs à travers le monde. "J'imagine que c'était mieux que je gagne, sinon, on se serait rappelé de moi comme la fille ayant perdu contre un vieux type, rigole-t-elleJe ne voulais pas avoir à entendre ça. À ce moment-là, une loi avait décrété la disparition des coins réservés aux femmes dans les salles de classe, puis nous avions pu prétendre pour la première fois aux études de sport dans les universités. Je voulais tellement me battre pour les femmes et le sport féminin."

La veille du match, elle monte tout en haut des gradins pour contempler le court, comme elle l'avait fait 12 ans plus tôt à Wimbledon. Le lendemain, elle ne laisse aucune chance à son adversaire, dans une rencontre disputée au meilleur des cinq sets, de ne pas laisser de place à la moindre excuse : 6-4, 6-3, 6-3. Au sortir du court, Riggs, en nage, les traits tirés, laisse sa mysoginie au vestiaire et admet : "Elle était juste meilleure que moi. Je ne m'attendais pas à ce qu'elle soit si rapide."

"Ce match a particulièrement marqué Barack Obama"

Je connaissais l'enjeu, mais je ne réalisais pas à quel point ce match allait marquer les esprits, explique Billie Jean King. Une femme est venue me voir dernièrement et m'a dit : "Grâce à vous, j'ai commencé à croire en moi. J'avais des rêves mais je n'avais pas confiance en moi, et quand j'ai vu ce match, je me suis dit que je pouvais y arriver. Si elle peut le faire, je peux aussi." Ce match fait partie de ma vie et il n'y a pas un seul instant sans que quelqu'un ou quelque chose ne le fasse remonter à la surface. Beaucoup de gens m'ont dit : "Tu vas diviser les gens". J'étais sûre que ce match allait au contraire les réunir. Et c'est ce qui s'est passé. On a fêté ma victoire partout dans le pays, notamment les étudiants, qui sont devenus complètement dingues (rires)."

En 2009, elle est reçue à la Maison-Blanche, où elle reçoit la médaille présidentielle de la Liberté, la plus haute décoration civile des États-Unis. "Le président Obama avait 12 ans et ce match l'a particulièrement marqué et influencé, dans sa façon avec laquelle il a éduqué ses filles. Il me l'a dit ce jour-là." Barack Obama lui confie un autre de ses secrets : "Je vous ai vue entraîner à Punahou." "Alors c'était vous ?" s'exclama-t-elle en retour. Oui, le jeune garçon noir discriminé qui la regardait derrière le grillage à Hawaï, c'était Barack Obama. "Pourquoi ne m'avez-vous pas demandé de jouer avec vous ?" "Oh, je n'aurais jamais osé", dit-il dans un sourire. 

"C'est intéressant de voir comment les hommes ont réagi à ce match au fur et à mesure des années" poursuit Billie Jean King, qui rencontra également Nelson Mandela en Afrique du Sud. En 1995, avant de succomber d'un cancer, Bobby Riggs souffle à son ancienne adversaire, sur son lit de mort : "Nous avons fait avancer les choses, n'est-ce pas ?". Ce à quoi elle répond, guère rancunière : "Je t'aime, Bobby." "Je t'aime" lui dit-il en retour. 

Un coming out forcé, mais révolutionnaire

"J'ai lu Simone de Beauvoir, qui était une féministe de la première heure, quand j'étais très jeune et ça m'a beaucoup influencée", glisse celle qui aura également fondé le premier syndicat des joueuses, la Women Tennis Association (WTA), dont elle fut la première présidente. Et qui lancera aussi la Fondation du sport féminin et Women Sports, premier magazine sportif dédié aux femmes. La récente nomination d'Amélie Mauresmo au poste de directrice de Roland-Garros ne peut que la réjouir, comme celle de Stacey Allaster comme directrice de l'US Open. "Même si elles ont beaucoup de pression sur les épaules, ça signifie beaucoup. Cela commence à sembler normal de voir des femmes à ces postes-là, et c'est ce qu'on veut vraiment. C'est important de mentionner qu'il y a effectivement deux femmes qui dirigent désormais deux des quatre tournois du Grand-Chelem. Il faudrait que ces postes puissent s'élargir aux femmes de couleur également."

Amélie Mauresmo a un autre point commun avec son aînée. En 1999, elle fit son coming out à la surprise générale lors de l'Open d'Australie, en se précipitant dans les bras de sa compagne pour fêter une victoire. Billie Jean King, elle, fut la première sportive à révéler son homosexualité. Nous sommes alors en 1981. La championne est mariée depuis douze ans à l'avocat Larry King. "Depuis très longtemps, je me sentais différente. Mais j'ignorais pourquoi. Je n'avais pas les mots pour expliquer ce sentiment."

Elle réalise alors petit à petit qu'elle est attirée par les femmes, puis entretient une liaison avec celle qui deviendra son assistante sur le circuit, Marylin Barnett. Alors qu'elle a toujours nié son homosexualité, c'est le chantage de cette dernière (elle menace de rendre publiques leurs lettres d'amour) à la suite de leur rupture qui l'oblige à révéler son homosexualité brutalement à la presse, au détour d'une conférence de presse et à la grande surprise de sa famille. "Quand j'ai mon coming out, c'était beaucoup plus difficile qu'aujourd'hui, confie-t-elle. Je pense que j'aurais beaucoup mieux géré les choses dans l'environnement actuel, et je l'aurais fait plus tôt, sans être obligée de le faire sous la contrainte." Et le poids fut lourd à porter. "Je pense que j'aurais pu faire encore mieux sur les courts si je n'avais pas eu à me cacher, car je me serais senti mieux, c'est certain."

"On a peur d'avoir honte ou de faire honte"

Les coming out ne sont toujours pas légion sur le circuit, dans un sport réputé traditionaliste. "Je ne connais pas suffisamment les autres sports pour dire s'il y a plus ou moins d'homophobie dans dans le tennis qu'ailleurs. C'est surtout sur le circuit masculin qu'il n'y a pas de coming out, note-t-elle. Pour les femmes, c'est devenu plus normal, plus commun. Pour les hommes, ça reste dur. C'est parfois effrayant d'imaginer ce que cela va engendrer. On a peur d'en avoir honte ou de faire honte à quelqu'un d'autre. J'ai dû faire beaucoup de séances de psychothérapie pour apprendre à vivre avec tout ça. Beaucoup ont peur des conséquences sur leur vie. La famille, c'est peut-être le plus dur à gérer en pareille situation. La chose la plus importante, c'est d'être soi-même. Je ne les répéterai jamais assez : soyez vous-mêmes !"

Grande amie d'Elton John - il l'invitait à jouer sur son court de tennis, dans le sud de la France - Billie Jean King dès lors pris à bras-le-corps la lutte pour les droits de la communauté LGBTQ+. En 1976, elle soutient d'abord Renée Richards, joueuse transgenre qui se voit refuser le droit de participer à l'US Open pour sa transidentité, et à qui la Cour suprême de New York donnera gain de cause en 1977. Billie Jean King sera sa partenaire de double. 

En 2014, il était prévu qu'elle fasse partie de la maigre délégation américaine envoyée à la cérémonie des Jeux Olympiques de Sotchi en Russie, composée de cinq personnes dont trois sportifs ouvertement gays. Le message de Barack Obama à Vladimir Poutine était fort, dans un pays où les droits de la communauté LGBTQ+ sont régulièrement bafoués. Malheureusement, la championne dut rester au chevet de son père mourant. 

Aujourd'hui, Billie Jean King est mariée depuis quatre ans avec Ilana Kloss, ancienne joueuse sud-africaine et partenaire de double, dont elle partage la vie depuis une vingtaine d'années, et avec qui elle a fondé la Billie Jean King Leadersjip Initiative, une organisation qui rassemble tous ceux qui, comme elle, voudraient rendre le monde meilleur. 

Si elle a sorti le livre, Billie Jean King, autobiographie d'une icône, édité par Talent Éditions, c'est qu'elle souhaite "laisser une trace, un certain héritage. La mienne était sur l'égalité et la justice sociale. Je me suis toujours intéressé à ce que mes prédécesseurs avaient réalisé et j'ai toujours voulu les honorer en poursuivant leurs combats. Je veux faire la même chose que ce qu'on a fait pour moi à l'époque."

Elle compte alors sur la nouvelle génération, en qui elle a entièrement confiance. "Cette génération prend les problèmes sociaux à bras-le-corps. Naomi Osaka et Simone Biles ont notamment été courageuses d'évoquer la santé mentale des sportifs. Il devient plus naturel de pouvoir parler de ses émotions, ses sentiments, et c'est très important qu'on puisse le faire."

Chris Evert : "Billie Jean King est la personne la plus clairvoyante que j'ai connue"

Ses successeurs sur le trône du tennis féminin, Martina Navratilova et Chris Evert, ont parfaitement suivi son exemple. La première lui a emboîté le pas et n'a pas hésité à révéler son homosexualité. La seconde a pris sa suite à la présidence de la WTA. Les deux légendes ont également été ses partenaires de double. "Billie Jean King est la personne la plus clairvoyante et la plus bienveillante que j'ai connue, affirme Chris Evert. Elle a été mon mentor. Elle m'a enseigné le leadership, m'a sensibilisé aux combats pour l'égalité. Sur le court, elle m'a appris à monter davantage à la volée, à être plus agressive. Mais elle m'a aussi donné des conseils sur ma vie sentimentale, sur l'éducation de mes enfants... Dès que j'avais un problème, j'allais la voir elle. Un jour, je lui ai demandé : "Quand as-tu voulu devenir numéro un mondiale et changer ce sport ?" Elle m'a répondu : "Quand j'avais 9 ans." J'ai dit : "Quoi ? Comment on peut avoir envie non seulement de devenir numéro un mondiale mais surtout de changer son sport à seulement 9 ans ? Elle est incroyable."

À 78 ans, celle qui a donné son nom à l'ancienne Fed Cup - "J'ai encore du mal à dire Billie Jean King Cup (rires)- aimerait poursuivre encore longtemps ses nombreux combats pour l'égalité. "Il reste encore beaucoup de travail, on n'en a jamais assez fait, assure-t-elle. En vérité, j'aimerais vivre toujours. Car la vie est tellement excitante !" Dans les livres d'histoire en tout cas, les mêmes que ceux qu'elle lisait petite, Billie Jean Moffitt King sera éternelle. 

Entretien réalisé par Christophe Penoignon pour Ouest-France.