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L'Union : l'entretien avec Arnaud Démare

L'année 2021 n'a pas été la plus prolifique de la carrière du Picard. Et c'est peut-être en cela que réside tout le sel de son livre Une année dans ma roue. Le coureur cycliste immisce le lecteur dans un quotidien parfois parsemé de doutes.

Cela ne devait durer que huit semaines. De fin novembre 2020 à fin janvier 2021. Cela durera finalement toute une saison. Sollicité par le journaliste de Ouest-France, Mathieu Coureau, pour réaliser des chroniques hebdomadaires sur le quotidien d'un cycliste professionnel en période hivernale, Arnaud Démare va poursuivre l'expérience sur une saison complète. Toutes ces chroniques sont rassemblées dans un ouvrage, Une année dans ma roue (édition Talent Sport), sorti le 10 novembre dernier. 

Quel a été votre première réaction lorsque vous avez eu cet ouvrage entre vos mains ? 

Il y a eu de la surprise, un petit sentiment de fierté aussi. M'imaginer en personnage principal d'un livre ne m'aurait jamais traversé l'esprit. 

Et dire que tout cela n'était pas prémédité... 

C'est ça qui est fou ! Au départ c'était juste une chronique hebdomadaire sur ma gestion de la période hivernale. À ma grande surprise, comme pour Mathieu d'ailleurs, les lecteurs ont aimé. Pourtant j'avais des doutes au début. Je me disais qu'il n'y aurait pas de victoire, de course, que cela n'allait pas plaire. Je me suis trompé et tant mieux (rire). 

Connaissiez-vous Mathieu Coureau avant la réalisation des premières chroniques ? 

Non, pas du tout. Il est venu chez moi me présenter son projet sur les chroniques. J'ai vite adhéré à son style, et surtout, au fait qu'il était fidèle à mes dires. 

"Jamais un sportif de haut niveau n'avait fait part de ses difficultés en cours de saison"

L'aventure s'est donc prolongée sur toute la saison... 

Exactement. Comme cela plaisait aux lecteurs, nous avons évoqué l'idée de faire cela sur la saison en sachant que cela devait aller à mon rythme. Parfois, nous nous appelions toutes les semaines, d'autres fois, il y avait trois semaines, un mois entre nos coups de fil. Jamais un sportif de haut niveau n'avait fait part de ses difficultés en cours de saison. 

Comment fonctionniez-vous avec le journaliste ? 

J'était sans filtre, je lui faisais confiance. Au fil du temps, il est devenu mon confident. Notre relation a été excellente. Sur le Tour, nous nous appelions tous les soirs. Je lui ai raconté ma journée cauchemardesque à Tignes et ma mise hors délai. Le retour à la maison, les moments de doutes, la déception, l'enchaînement avec la Vuelta. 

Y'a-t-il eu des passages supprimés ? 

Lorsque j'allais trop loin, Mathieu supprimait ces passages. C'est à cela que j'ai compris que notre relation était saine. 

Avez-vous hésité à ôter le passage sur les cétones (un compliment alimentaire qui permet à la fois de faciliter la perte de poids et peut servir aussi de "carburant" sur une fin d'étape) ? 

Non, pourquoi ? Je me posais des questions sur le rendement de certains. Je n'ai fait que dire ce que tout le monde sait au sein du peloton. De nombreux coureur ressentent la même chose que moi. Lorsque vous voyez un sprinter franchir tranquillement les cols, cela interpelle. Mon équipe (Groupama-FDJ) n'utilise pas ce genre de pratique, d'autres ne se privent pas. 

Dans ce livre, vous évoquez essentiellement votre année 2021 mais il y a aussi quelques anecdotes sur votre propre histoire... 

Oui, je parle de mon enfance, de ce qui m'a donné goût au vélo. Je tenais à ce qu'il y ait ces espèces de retour dans le temps. Je parle de mes proches (Morgane, son épouse), de mes copains d'entraînement. Certains se sont d'ailleurs reconnus dans le livre (rire). Tout ce qui fait la vie d'un coureur professionnel lorsqu'il n'est pas en course. 

"Comme tous les bons livres, l'histoire se termine bien puisqu'il y a eu cette victoire sur Paris-Tours"

Avez-vous évoqué ce projet avec Marc Madiot et la Groupama-FDJ ? 

Je les ai mis au courant mais il n'y a pas eu de droit de regard de leur part. Je souhaitais que ce livre humanise le métier de coureur professionnel. Le quotidien d'un sportif de haut niveau en quelque sorte avec ses failles mais aussi ses moments de bonheur. 

Il n'y en a pas eu énormément pour vous sur le vélo en 2021... 

Autant 2020 a été un excellent cru (14 victoires), 2021 a été plus compliquée (rire). Mais comme tous les bons livres, l'histoire se termine bien puisqu'il y a eu cette victoire sur Paris-Tours, ma dernière course de la saison. Cela ne rend que plus intéressant ce livre. 

Vous avez 30 ans... Était-ce le bon moment pour réaliser ce livre ? 

Sincèrement, oui, je le pense.