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Rob Halford à Ouest-France : "Judas Priest est prêt à partir en tournée".

Judas Priest trépigne d’impatience : dès « le feu vert » sanitaire, il repartira en tournée mondiale avec un nouvel album. En attendant Rob Halford, son chanteur emblématique – 69 bougies cette année – publie ses mémoires. Celles d’un petit Anglais de famille modeste devenu le « Dieu du metal » et assumant désormais son homosexualité. 

Et si cela se savait que j’étais gay, que les fans ne veuillent plus s’investir dans un groupe dont le leader est gay, et que cela tue définitivement Judas Priest. ​Ces quelques lignes extraites de ses mémoires (Confess, ma confession, Talent Éditions, 396 pages, 22 €.) résument la souffrance dans laquelle Rob Halford, chanteur de Judas Priest, a passé une grande partie de carrière

Il a été tiraillé entre le besoin de rester lui-même - un homme d'une grande simplicité et franchement cool – et le bonheur de voir grandir un groupe et une musique pour laquelle il se bat bec et ongles depuis un demi-siècle.

Âgé aujourd’hui de 69 ans, l’ado de Walsall, ville ouvrière du nord de l’Angleterre, est devenu une vedette internationale, reconnue pour ses talents de vocaliste hors du commun qui lui ont valu le surnom de « Metal God »​, le dieu du metal. Pour Ouest-France, il se confie via Zoom depuis Phœnix, aux États-Unis, sur une carrière ponctuée d’exaltation et de souffrance refoulée.

Vous venez de vous faire vacciner… Soulagé ?

Oui, je viens de recevoir ma deuxième dose et je suis très heureux d’être enfin vacciné. Je ne m’attendais pas à une si bonne réaction de la part des fans, des centaines de milliers d’entre eux se sont montrés heureux et solidaires. Quand on est une « personnalité »​… c’est utile d’en parler. Cela peut amener quelqu’un d’indécis à franchir le pas. Se faire vacciner, c’est important, on doit le faire. Si on ne le fait pas pour soi, on le fait pour les personnes à risque. Ne soyez pas égoïstes, faites-le !

Votre livre décrit, entre autres choses, plus de 40 ans de souffrance, en raison de votre homosexualité cachée durant des années. Mais aujourd’hui, vous semblez très serein. À 69 ans, comment va le « Dieu du metal » ?

Je pense avoir compris ce voyage formidable que nous vivons tous. Avec le temps, on acquiert de la sagesse, on voit ce qui est le plus important, le plus précieux. Enfant ou adolescent, même jusqu’à la trentaine, c’est moins facile. Mais aujourd’hui, je me sens bien, très fort, optimiste et positif. Et je suis surtout content de ne pas être devenu un vieux con cynique !

Quand vous écriviez vos paroles, pleines de sous-entendus, espériez-vous que votre homosexualité soit découverte ?

C’est étonnant la façon dont les gens interprètent des messages. Souvent, ils sont pris comme ils viennent, sans être vraiment décortiqués. Certaines personnes se disent « oh ouais c’est plutôt cool, c’est une observation intéressante »​, sans chercher à aller plus loin. D’autres si. C’est ce que j’aime dans cette forme d’expression. Chacun ressent et comprend les choses en fonction de sa personnalité.

Vous êtes le leader d’un groupe qui, par son look ou sa musique, peut intimider. Mais vous êtes plutôt très en retenue, le conflit vous met mal à l’aise par exemple. Pourquoi ?

Lorsque vous écrivez une autobiographie, vous découvrez des choses sur vous, votre personnalité, dont vous n’aviez pas forcément conscience. L’un des problèmes auxquels j’ai été confronté dans ma famille quand j’étais jeune, c’était les disputes entre ma mère et mon père. C’était affreux… C’est ce qui a fait qu’il est si difficile pour moi de me retrouver impliqué dans tout type de conflit. Nous avons tous des souvenirs forts, en particulier ceux de l’enfance, avec lesquels nous vivrons jusqu’à la fin de notre vie…

L’essence du metal vient de la classe ouvrière

Vous avez grandi à Walsall, ville de l’extraction du charbon et de la métallurgie. À quel point est-ce évident pour vous que le heavy metal soit né dans cette région ouvrière de Birmingham ?

Super question ! Pouvez-vous imaginer le heavy metal provenir d’un endroit différent ? Mon ami Ozzy (Osbourne, chanteur de Black Sabbath, né à Birmingham NDLR) dit que la raison pour laquelle il a rejoint un groupe, c’était pour échapper à Birmingham. Elle est très belle aujourd’hui. Mais, à l’époque, c’était une ville sombre et déprimante. Il n’y avait pas d’avenir. Je pense que l’essence du metal, avec sa force, sa puissance, mais aussi sa résilience, vient de ces gens, issus de la classe ouvrière.

Vous parlez même de « lutte »…

À la maison, nous vivions avec un seul salaire, pas toujours régulier, et il ne restait que quelques pennies à la fin du mois. Quand tu nais et grandis dans cet univers, c’est une lutte. Oui, une lutte. Et cela se retrouve dans ce que nous faisons. Le metal, lui aussi, a toujours été un peu en lutte. Nous avons tous, pendant très longtemps, été rejetés par le monde de la musique rock’n’roll grand public. Notre musique a longtemps été considérée comme primitive et ignorante, juste bruyante et n’ayant aucune vraie qualité. Comme ceux qui l’ont fait, le metal s’est retrouvé en lutte dans la société.

Ce sentiment est manifestement très présent, encore aujourd’hui. Vous voyez-vous comme un « missionnaire » du heavy metal ?

Oui. Et je pense que tous les musiciens de metal le sont. Ils incarnent un esprit, envoient des ondes vraiment fortes, positives, stimulantes et constructives. Même les plus sombres dans leur expression, comme mon ami Nergal de Behemoth (groupe de black et death metal polonais NDLR). Sa musique est très extrême et son métal est porteur d’un message. Nous avons tous une mission.

En dehors de Judas Priest, vous avez évoqué un projet avec Lady Gaga. Cela va-t-il se faire ?

Je ne sais pas, mais j’espère bien, oui ! C’est une femme remarquable, un exemple. Elle a tellement fait dans un laps de temps si court. Dire qu’elle vient juste d’avoir 35 ans !

Vous avez fait du théâtre avant de tomber dans la musique. Vous avez aussi un projet au cinéma ?

J’aime tous les arts, ce qui est créatif. J’ai fait une petite apparition dans un film avec Mickey Rourke, un acteur formidable. Je suis ouvert à tout, de là à dire qu’une nouvelle opportunité va se concrétiser… [haussement d’épaules] Qui sait ?

Le rock et le metal ne sont pas morts

Gene Simmons, de Kiss, dit que le rock et le metal sont morts. Qu’en pensez-vous ?

[rires] Je pense que Gene devrait s’asseoir, prendre une bonne tasse de thé et se détendre. [rires] J’aime Gene, je le connais depuis toujours. Judas Priest lui doit beaucoup. Nous serons toujours reconnaissants envers Gene et Paul (chanteurs et guitariste de Kiss NDLR) de nous avoir pris avec eux en tournée aux États-Unis, à nos débuts. Kiss a présenté Priest à beaucoup de monde, ils nous ont emmenés là où nous n’étions encore jamais allés. Ils nous ont aidés à faire tomber les barrières. Mais non, le rock et le metal ne sont pas morts, ils sont plus vivants que jamais !

À propos de Judas Priest, avez-vous parlé à Ken (Kenneth Downing, membre fondateur qui a quitté le groupe en 2011). Peut-on s’attendre à le voir revenir un jour ?

Par respect, je ne souhaite pas répondre. Quelle que soit ma réponse, cela pourrait être interprété d’une manière qui m’échappe. Donc… prochaine question s’il vous plaît !

À quand un nouvel album de Judas Priest ?

Quand on est en tournée, on soutient un nouveau disque. La tournée du 50e anniversaire du groupe était prévue en 2020. Mais, avec tout ce qui se passe, elle a été repoussée en 2021… Quelle période de fou ! Bref, on travaille sur un nouvel album. Beaucoup de choses sont prêtes, des riffs excellents, des démos puissantes… On aurait dû sortir le disque là, maintenant, mais je ne peux pas faire un disque par Zoom ! Impossible pour moi, je dois être avec les gars, j’ai besoin d’être dans la pièce avec eux !

J’adore le Hellfest

Mais prévoir un album et une tournée dans un tel contexte, relève du casse-tête quotidien…

Tout à fait ! On travaille avec de nombreux promoteurs qui, eux-mêmes, bossent avec différents pays sur les législations en vigueur. Il faut s’adapter en permanence, la pandémie évolue tous les jours. Angela Merkel était sur le point de mettre l’Allemagne en pause, mais a dû faire marche arrière, par exemple. C’est lent, cela prend du temps, mais on veut que les fans soient en sécurité à 100 % partout dans le monde. Bientôt, nous ferons une annonce sur les dates que nous avons dû reprogrammer, en particulier aux États-Unis (l’essentiel de la tournée européenne a, depuis l’interview, été reportée à 2022 NDLR).

Et en France ?

Je veux y revenir ! J'adore le Hellfest (Judas Priest s’y est produit en 2011, 2015 et 2018. Il devait revenir en 2020 puis 2021….). Cela devait être un moment énorme. Le Hellfest est une magnifique célébration du metal. On adore jouer à Clisson (près de Nantes). Mais ça n’a pas d’importance, on commence à arriver au bout de ce terrible parcours. On n’attend plus que le feu vert pour tous se retrouver et faire rugir le metal à nouveau !

Pensez-vous que vous êtes né sous une bonne étoile. Ou plutôt une bonne « aile du destin » (clin d’œil à l’album « Sad wing of destiny », les « tristes ailes du destin ») ?

Oui ! L’album a eu 45 ans hier (l’interview a été réalisée le 24 mars NDLR). Je suis allé sur internet, et j’ai recherché les Studios Rockfield, la ferme où on a fait ce disque en grande partie. C’était génial de voir ces vieilles photos. Cela m’a rappelé des souvenirs et le chemin parcouru depuis. Donc, oui, je pense que je suis enveloppé dans les ailes « angéliques » du destin. Je me sens vraiment béni et reconnaissant d’être dans un groupe qui est toujours là depuis plus d’un demi-siècle ! Et avec le disque et la tournée qui s’annoncent, je sais que ma vie va être plus occupée que jamais dans les trois à cinq prochaines années. Oui, le destin est bon !

Par Bertrand Routurou et Guillaume Bouniol pour Ouest-France.