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Rob Halford passe à confesse avec Nice-Matin : "Elton John est mon faux jumeau"

Le leader de Judas Priest est sorti des enfers. Fil rouge de sa biogaphie ? Ses années d'errements homosexuels réprimés dans le seul but de préserver son image d'icône heavy metal.

En matière de biographies heavy metal, le pire (Biff Byford de Saxon, illisible) côtoie le meilleur (Bruce Dickinson d'Iron Maiden, foisonnant). Celle de Rob Halford se classe sans conteste dans cette dernière catégorie. Millions d'albums écoulés, Live Aid, Grammy Award, apparition dans les Simpsons, rencontre avec la reine d'Angleterre, influence monumentale sur la scène metal... le chanteur de Judas Priest a tout moissonné en cinquante ans de carrière. La solitude et le gouffre aussi. Entre relations gays cachées et tourments cocaïno-alcoolisés... Jusqu'en 1986, année de sa désintoxication addictive, puis 1998, marquée par son coming out sur MTV. Depuis, le Metal God qui partage sa vie avec un ex-Marines, se porte comme un charme et vient signer une bio traduite dans le monde entier, au message universel. Qui n'a jamais songé à chasser ses démons pour enfin s'affirmer ? La promo, elle, est assortie d'un franc-parler bienveillant, par vidéo interposée, de son pied-à-terre à Phoenix, Arizona où le gentleman british clouté débute en rappelant, enthousiaste, l'enregistrement de Painkiller (1990) au studio varois de Miraval. 

Vos confessions sont très intimes, voire crues, dans quelle mesure vous êtes-vous auto-censuré ? 

Je suis contre toute forme de censure, mais lorsqu'il a fallu trancher, à mon grand regret des passages ont dû être retirés, ne serait-ce que pour des questions légales. Ainsi va le monde ! Mais le suicide de Brad [son ex-petit ami, ndlr], mes addictions et d'autres épisodes très personnels ont pu être conservés. Cela rend le livre d'autant plus humain. 

Quel chapitre a été le plus douloureux à "revivre" ? 

La perte de mes parents. Celle de Brad en 1987 également, surtout compte tenu des circonstances. Lorsque nous nous revoyions à Philadelphie, une dispute éclate et il envoie tout valdinguer. Je remarque le pistolet glissé dans son pantalon. Quelques minutes après avoir quitté son appartement, il se tire une balle dans la tête... Ces choses vous hante à jamais, mais en avoir témoigné permet de le partager avec d'autres qui ont traversé la même épreuve. 

Quelle biographie vous a bouleversé ? 

Celle d'Elton John, Me, sortie fin 2019. Le ton est aussi très personnel, il vous parle tel qu'il est. Et le parallèle avec mon propre parcours est évident. La difficulté à vitre avec notre sexualité, les désillusions du business, les drogues. Il est en quelque sorte mon frère jumeau !

Aucun fiel ni amertume malgré les épreuves et les déconvenues. Le Metal God a-t-il atteint la sagesse ? 

Disons que c'est une évolution naturelle. La vie est une suite de tests. J'ai un recul différent sur tous ces évènements à présent. Être en colère ou vindicatif vous empoisonne. Et quelle barrière psychologique que de vivre avec l'image mentale des être honnis toute sa vie. 

Jeune, Led Zeppelin vous aidait à dépasser vos tourments. Qui joue ce rôle à présent ? 

Mon compagnon Thomas. Il est mon âme soeur et mon pilier. Je me raccroche également à tout ce qui est créatif. Et pas besoin d'être un musicien pour ça. Il peut s'agir de petits rien du tout. Cuisiner, dessiner, etc. 

Dave Holland, batteur de Judas Priest de 1979 à 1989, a révélé avant sa disparition en 2018 qu'il était bisexuel. Faisait-il preuve d'empathie à cette époque durant laquelle garder votre homosexualité secrète était une torture ? 

En réalité, nous n'avons jamais eu la moindre conversation concernant notre sexualité. Dans le groupe, tout le monde était au courant me concernant. Ce n'était pas le cas pour Dave... Il y a des signes qui peut-être auraient dû m'alerter. Parfois un regard suffit pour se comprendre... Quant à savoir s'il a vécu tout cela aussi difficilement que moi je ne peux pas répondre...

Vous avez rencontré Andy Warhol au Mudd Club de New York. Joe Jackson aussi. Étiez-vous dans la séduction ou était-ce purement amical ? 

Non, juste une rencontre entre chanteurs. J'étais surpris de le retrouver là. Je crois qu'à l'époque nous étions sur le même label. Je me demande d'ailleurs ce qu'il devient. Quel grand artiste ! 

Comment se passe la lutte contre la maladie de Parkinson de votre guitariste Glenn Tipton ? 

Merci de prendre de ses nouvelles. Il va bien. Il continue de composer dans son studio personnel pour le prochain Judas Priest. Il n'a rien perdu de sa détermination. 

Que vous inspire la sortie prochaine du premier album de KK's Priest, formé de trois membres dissidents de Judas Priest dont le guitariste fondateur, K.K Downing ? 

Tant mieux ! Nous parlions de ne pas avoir de ressentiment... Quelles que soient nos relations désormais, je lui souhaite bon vent. 

Vous vous définissez comme "chrétien heavy metal". Comment encaissez-vous la décision du Vatican de ne pas bénir les unions homosexuelles car "c'est péché" ?

Je pourrais en parler pendant des heures ! Qu'importe ce qu'ils pensent. Dieu m'a fait tel que je suis et personne ne peut parler en son nom. Mon Dieu à moi n'est qu'amour et compassion. Cette rhétorique sur le péché est très archaïque et n'a aucun sens. Je n'ai pas besoin de leur bénédiction pour vivre heureux avec Thomas. 

Après votre rencontre avec la reine d'Angleterre en 2005, celle avec le Pape vous tenterait ? 

Si le Pape veut rencontrer le Metal God je saute dans le premier avion ! Il est l'émissaire de l'Église catholique romaine et, pour moi, il est l'un des papes les plus libéraux, très ouvert sur la question gay. Alors, je lui demanderais de moderniser des dogmes sévères qui continuent de nous affecter. Même si j'imagine qu'il a les mains liées sur la question.

Par Laurent Amalric pour Nice-Matin.