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Wendie Renard à l'Équipe : "Je ne vous donne plus mon visage"

Dans son autobiographie Mon étoile, en librairies mercredi, la footballeuse n'élude rien. Et notamment ses relations tendues avec la sélectionneure des Bleues, Corinne Diacre.   

Wendie Renard n'a pas encore 30 ans (elle les aura en juillet) mais elle a déjà vécu mille vies, racontées dans son autobiographie Mon monde écrite en collaboration avec deux journalistes de l'Équipe, Syanie Dalmat et Yohann Hautbois, qui sort mercredi. Le plus beau palmarès du football féminin ne cache rien, ni le décès tragique de son père, ni ses relations plus que tendues avec Corinne Diacre, sélectionneure de l'équipe de France. Au travers de plus de 300 pages, la défenseuse centrale de l'Olympique Lyonnais évoque également les liens jamais rompus avec son île natale, la Martinique, ceux créés avec Lyon depuis son arrivée en métropole à 16 ans, son attachement viscéral aux Bleues et ce titre international qui se dérobe à elle depuis 2011 et ses débuts en sélection. Voici quelques extraits. 

Sa relation avec Corinne Diacre.

"J'ai beaucoup souffert de son désaveu et de sa brutalité". 

"Fin août 2017, lorsque Olivier Echouafni est remplacé par Corinne Diacre, je suis autant déçue pour la premier, que j'apprécie beaucoup, que ravie pour la seconde, que je connais un peu pour avoir travaillé avec elle quand elle était adjointe de Bruno Bini en sélection. Je suis également heureuse de travailler de nouveau avec elle car je me souviens d'entraînements spécifiques défenseuses très intéressants en sélection. Bref, pour moi, cette nomination augure de belles choses. Je vais vite déchanter... La coach commence à me parler. "On souhaitait te voir par rapport au brassard de capitaine car je trouve que tu es à 40% de tes capacités en équipe de France. À Lyon, tu te balades, le niveau est facile, en Coupe d'Europe aussi, mais le niveau international, tu ne l'as pas encore franchi". Je tombe des nues, sonnée. Quatre ans de capitanat balayés en moins de cinq minutes. 

Entre septembre et décembre, j'enchaîne les petites blessures, liées à mon mal-être. Je pense à arrêter la sélection, mais ce n'est évidemment pas la bonne solution. Je me tourne vers quelqu'un pour m'aider à travailler sur la gestion de ce moment difficile. Mon entourage proche m'aide beaucoup aussi. Pourtant, en décembre, lors de la trêve, je décide de partir loin de la France, de ma famille aussi à qui je demande de me laisser tranquille. Je mets mon téléphone portable de côté, je m'envole pour la Thaïlande et je profite de cet isolement pour me poser les bonnes questions. Ce n'est pas possible, je ne suis plus moi-même, je subis les choses. Je prends donc la décision de poursuivre en sélection surtout pour tenter de réaliser mon rêve : remporter un titre avec le maillot de mon pays. 

Lors du premier rassemblement de 2018, le lieu du rendez-vous change : j'arrive à Montpellier regonflée à bloc. Pour lui dire bonjour, je tends la main à la coach. Je vois immédiatement un changement sur son visage. Elle lâche : "Il va falloir que tu rentres vite dans le rang si tu ne veux pas rester chez toi". Après lui avoir fait répéter sa phrase, je lui réponds simplement : "Je ne savais pas qu'il fallait faire la bise à la sélectionneure pour venir en Équipe de France. Je vous ai dit bonjour, je ne vous ai pas manqué de respect, mais je ne vous donne plus mon visage". Cette décision n'a pas été facile à prendre, j'ai hésité jusqu'à la dernière minute. Mais j'ai beaucoup souffert de son désaveu et de sa brutalité, en ce début de nouvelle saison, je devais me retrouver."

La mort de son père. 

"J'ai toujours eu des étoiles sur ma route pour me guider". 

"Il est encore tôt ce mardi matin. Nous traînons encore pyjama, assises sagement devant un dessin-animé qui passe à la télévision. Soudain, la sonnerie du téléphone retentit. Je tape le bras de Laurie [sa soeur] : "Papa est mort". Elle me regarde et me répond : "Arrête de dire des conneries.". Deuxième sonnerie, je répète : "Papa est mort". Marie-Line [sa demie-soeur] se dirige vers le téléphone, toute souriante. Elle décroche mais le ton de sa voix change subitement. Je l'entends dire : "D'accord, on va se préparer, on arrive". Elle raccroche et prend la direction de la cuisine, tête baissée. "Laurie et Wendie, je vous attends dans ma chambre." Je regarde Laurie et lui lâche : "Tu vois, je te l'avais dit." Nous la rejoignons dans sa chambre et Marie-Line nous annonce la mauvaise nouvelle. "Papa est mort, on va se préparer, on monte au Carbet.À ce moment-là, Laurie commence à crier et à pleurer. Et moi ? Rien. J'étais prévenue. Je savais que la nouvelle pouvait tomber à n'importe quel moment. 

Mon père est atteint de deux cancers : prostate et poumons. Le second est déjà à un stade très avancé. Il ne lui reste plus qu'un mois à vivre selon le médecin. C'est la stupéfaction. 

Je n'oublierai jamais la discussion que nous avons, mon père et moi, en tête à tête dans sa chambre. Il sait que c'est fini et tient à nous faire passer un dernier message.

Il me dit des choses sur mon avenir, que j'ai mises en pratique. Je constate aujourd'hui que ces choses se sont réalisées. J'ai toujours eu des étoiles sur ma route pour me guider. 

Son premier contrat avec Lyon. 

"J'avais peur de faire une gaffe devant Monsieur Aulas"

"Ce jour de juillet 2009, je tremble, mon coeur bat à 10000 : j'ai rendez-vous avec le président Jean-Michel Aulas, à Gerland, dans son bureau. Ma première séance d'entraînement avec le groupe professionnel, trois ans plus tôt, mon premier match de Coupe de France, puis en Championnat ne m'avaient pas procuré autant de stress car, même si je fais des erreurs, le terrain, c'est mon domaine. Alors que le président... Je le voyais à la télévision en Martinique et, si je le côtoyais depuis plusieurs saisons, on n'avait jamais vraiment eu l'occasion de parler, à part quelques mots lors des photos de groupe en début de saison. Cette fois, c'est un moment particulier : je viens de signer mon contrat pro, le premier. Assise en face de lui, j'ignore ce qu'il va me dire et je me demande "Qu'est-ce qu'il se passe ?". 

Je suis timide, je vouvoie le président et je ne sais pas quoi lui dire. Pour ce jour particulier, je ne savais même pas comment m'habiller : je ne pouvais pas venir en survêtement, ni en tailleur, ce n'était pas un mariage, alors j'avais opté pour une tenue simple, un pantalon et une chemise pour être présentable. 

Le contrat a tout changé, je devais une jeune fille libre et indépendante même si mon but premier était de réussir ici, en métropole, avec le maillot de l'Olympique lyonnais. En le signant, je savais que je partais sur un projet de trois ans, que j'avais l'opportunité de m'asseoir et de me dire : "La première année, je vais mettre ça en place, la deuxième année, je vais viser ça...". Ce sont les projections de ce type qui permettent d'évoluer, de grandir et de garder une ligne de conduite pour aller le plus haut possible. En sortant du bureau du président, j'ai dit "ouf c'est fini" car j'avais peur de faire une gaffe devant Monsieur Aulas que j'assimilais au président de la République. 

Les joueurs de l'OL. 

"Anthony Reveillère m'a donné des crampons"

"Attablés face à moi, Sydney Govou, Sylvain Wiltord, Florent Malouda... J'ai 18 ans et je côtoie les meilleurs joueurs français du moment dans la maison où Fred et Joan m'ont gentiment accueillie depuis quelques mois. Ce n'est pas un rêve, c'est ma nouvelle vie. À l'entraînement, déjà, je croisais Mahamadou Diarra, Éric Abidal, Cris, Juninho, Caçapa et mes yeux brillaient en les voyant après nos séances respectives. On se disait bonjour mais sans jamais vraiment parler, j'étais timide, presque à me cacher. Eux essayaient d'engager un dialogue, me demandaient comment j'allais, j'osais à peine leur répondre. Puis au fil du temps je me suis sentie plus à l'aise grâce à Fred et Joan, arrivé deux ans avant moi. 

Six mois après mon arrivée, je déjeunais ou dînais avec de grands joueurs disponibles et sympas avec moi en plus. C'était irréel. Anthony Reveillère m'a donné des crampons, Govou des vêtements d'entraînement, j'ai vécu un rêve éveillé au sein du groupe qui, cela se ressentait, a été très uni pendant toutes ces années de succès. Je n'arrêtais pas de me dire que j'étais née sous une bonne étoile, je savourais cette chance mais je restais timide, j'observais leurs faits et gestes car mon objectif était de devenir comme eux, une grande joueuse, gagner des matches, des titres. 

Quand ils étaient à la maison, ils me chambraient beaucoup parce que j'étais une joueuse de foot. Au contraire, on a eu des contacts très enrichissants, ils me conseillaient de ne pas oublier d'où je venais, de prendre du plaisir sur le terrain, me rappelaient que je n'avais pas fait tous ces efforts, tout ça, pour rien. Que si j'avais mal, il fallait que je serre les dents, que je ne dise rien. Car quand on vient de loin, comme moi de la Martinique, on attend beaucoup plus de vous. Pas un jour n'est passé sans qu'ils aient un mot gentil, pour prendre de mes nouvelles, savoir ce que j'avais fait le week-end."