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Avant la nuit : la critique de l'Avenir

Dans son roman terrifiant, Maria Malagardis relate les mois précédant le génocide, vus de l'ONU et de ses casques bleus réduits à l'impuissance. 

Le génocide rwandais d'avril à juillet 1994, qui a causé la mort de 800 000 à un million de Tutsis, a donné lieu à beaucoup de livres sur ses causes et son déroulement. Maria Malagardis, qui l'a couvert pour le quotidien français La Croix, aujourd'hui grand reporter à Libération, adopte un point de vue original en se glissant dans les locaux de l'ONU pour parler, sous une forme romanesque, des mois qui l'y ont conduit. 

Les deux personnages centraux d'Avant la nuit sont deux officiers Casques bleus, l'un Canadien, Ben, l'autre Sénégalais, Ousmane, qui, parallèlement à leur mission (théorique) de maintien de la paix, enquêtent sur le meurtre - bien réel - d'enfants sur une colline en novembre 1993. 

Ils ne sont pas les seuls à s'y intéresser. Élise, journaliste française d'origine antillaise qui réalise un documentaire sur Diane Fossey, spécialiste des gorilles, assassinée dans ce pays en 1985, en a entendu parler lors d'une interview. Et elle veut en savoir plus. Autour d'eux, gravitent plusieurs Belges, comme les deux Casques bleus qui partagent le logement de Ben, dont l'un prend au fil du roman une place importante, ou le haut fonctionnaire venu préparer la visite officielle de son ministre des affaires étrangères. La responsabilité de l'ancienne puissance coloniale dans la distinction entre les deux ethnies, matrice des différents massacres et du génocide, est d'ailleurs rappelée. L'on croise évidemment de très nombreux Rwandais. Des Tutsis, qui se sentent de plus en plus menacés par ceux qui appellent à éliminer les "cafards" - soit eux-mêmes -, des Hutus d'opposition, des rebelles du FPR (Front Patriotique Rwandais de Paul Kagame, actuel président de la République). Et aussi des pontes du régime en place, futurs génocidaires, ou des officiels français, leurs soutiens, comme c'est signalé à plusieurs reprises. Au fil des semaines, on voit tous se mettre en place pour que l'inéluctable se produise : des meurtres de Tutsis en toute impunité, des barrages routiers, des pressions contre des Hutus modérés, des caches d'armes, l'armement des civils, etc. Les tueurs attendent le déclic. Ce sera l'attentat contre l'avion du président Habyarimana le 6 avril 1994. 

La très grande force de ce livre, qui rend d'autant plus révoltante la réalité qu'il raconte, est de regarder cette montée vers l'horreur du point de vue de la MINAUR, mission des Nations Unies qui s'est montrée incapable de l'endiguer. Mais en avait-elle réellement la volonté ? Tout se décide dans les bureaux de son siège new-yorkais, et le représentant spécial de son secrétaire général, à l'époque l'Égyptien Boutros-Ghali, fait blocages. Les alertes sont systématiquement minorées, voire ignorées, et leurs lanceurs mis sur la touche. Et dès le début des massacres, après l'assassinat de dix soldats belges, la majorité des Casques bleus seront évacués. 

Par Michel Paquotpour L'Avenir.