Sport Culture
Lifestyle et Business

NEWSLETTER

Dave : l'entretien avec Soir Mag

Dave se dévoile dans des mémoires, Comment ne pas être amoureux de vous. Si le chanteur de 79 ans n’a pas perdu ses souvenirs, il souffre encore de cette chute qui aurait pu lui être fatale en janvier 2022.

Soir Mag : Si vos souvenirs sont intacts, comme vous le démontrez dans votre livre, votre mémoire immédiate est désormais défaillante.

Dave : Il m’arrive de ne plus me souvenir d’un appel que je viens de recevoir et de me demander si un artiste que j’ai connu est encore vivant. C’est la conséquence d’une chute dans l’escalier de ma maison, le 29 janvier 2022.


Ce jour aurait pu être votre dernier…

Si Dieu existe, il a bien travaillé ! Je me suis retrouvé aux urgences avec une hémor-ragie cérébrale, un traumatisme crânien et mon pronostic vital engagé. J’ai passé quatre jours dans le coma. Quand je me suis réveillé, j’ai, paraît-il, lancé quelques phrases obscènes à la neurologue bul-gare. Patrick, mon compagnon, m’a dit qu’il était rouge de honte.


Vous êtes né en mai 1944. Votre père vous a vu, pour la première fois, quelques mois plus tard…

C’était la guerre et mon père s’était caché pour échapper aux nazis. Il était juif, mais bien qu’il soit devenu protestant, il figurait sur une liste d’arrestations. Il est rentré à la maison après la fin des combats.


Avez-vous toujours chanté ?

Enfant, j’écoutais tous les soirs, dans mon lit, Radio Luxembourg en anglais. Je fredonnais à tue-tête des refrains qui m’ont donné le goût de la musique.


Et pourtant, vous avez fait vos débuts sur scène en chantant en français…

C’était à l’école primaire, à l’occasion de la fête de fin d’année. J’ai interprété « Le piano du pauvre » de Léo Ferré. Mon père, qui adorait le répertoire français des années 50, me l’a fait découvrir par Catherine Sauvage. Beaucoup plus tard, quand j’ai débarqué en France et vécu en faisant la manche à Saint-Tropez et à Paris, les seuls couplets en français que j’ai inscrits à mon répertoire étaient ceux du « Déserteur » de Boris Vian.


Vos études ont été quelque peu chaotiques !

J’ai été renvoyé d’un lycée pour avoir jeté une boule de neige à la tête du proviseur. Il y avait une pierre à l’intérieur, ce que j’ignorais, je le jure. J’ai re-doublé une classe mais j’en ai sauté une autre. J’ai fini par obtenir l’équivalent du bac aux Pays-Bas en étant l’un des 10 reçus de mon école parmi 700 candidats.

Vous entamez des études pour devenir avocat, mais cela ne va pas durer longtemps. Pourquoi ?

’était une tradition dans la famille, mais je ne l’ai pas respectée. J’ai même songé à devenir pasteur avant de me tourner vers la chanson. J’ai commencé dans un orchestre, « Les millionnaires », en remplaçant mon vrai prénom, Wouter - Gauthier en français -, par David. J’ai été repéré par un responsable de Philips, qui était alors une entreprise hollandaise. J’ai signé un contrat pour un premier disque et, juste avant sa fabrication, j’ai reçu une lettre me précisant qu’il sortirait sous le nom de Dave Rich. Au début des années 70, en France, quand Eddie Barclay m’a engagé, il a décidé que je m’appellerai Dave. « Rich, on verra plus tard », m’a-t-il précisé !

Vous avez enregistré dix 45 tours, mais pas un seul n’a eu le moindre succès.

ela ne serait pas imaginable aujourd’hui ! Barclay a fini par me rendre mon contrat et je suis passé chez CBS, où mon premier 45 tours « Trop beau » s’est arraché à 400.000 exemplaires. On m’a assuré qu’en l’apprenant, Eddie Barclay a félicité ses équipes. Il croyait que j’étais encore dans son écurie.

Pendant six ans, vous n’avez pas quitté les premières places du hit-parade…

Tous les trois mois, chacun de mes 45 tours s’est vendu jusqu’à 40.000 exemplaires par jour. Je souris en me disant qu’aujourd’hui, il suffit de 50.000 al-bums pour devenir disque d’or.

Vous avez hésité à interpréter « Du côté de chez Swann ». Pourquoi donc ?

Je ne voulais pas l’enregistrer parce que je ne trouvais pas les paroles assez populaires. J’avais tort. Elle figure, avec « Vanina », en tête d’un classement établi à l’issue d’une enquête auprès du public.

Votre carrière en France a débuté grâce à une information qu’un marchand de musique parisien vous a glissée à l’oreille…

Fin 1971, au moment de lui régler des cordes pour ma guitare, il m’a parlé d’une audition pour une comédie musicale, « Godspell », au Théâtre de la Porte Saint-Martin. J’y suis allé, pour la forme, il y avait foule et pourtant, à ma grande surprise, j’ai été choisi. L’aventure a duré 700 soirs, et c’est là que j’ai véritable-ment appris mon métier. Nous avons même donné une représentation au Vatican !


Vous avez partagé la loge d’un autre débutant, Daniel Auteuil !

Il est devenu mon meilleur ami, et il l’est toujours. Comme il est particulièrement honnête avec ses proches, il m’a dit un jour : « Tu es un très bon chanteur, mais un mauvais comédien. » Il avait raison. Avant la sortie de « Dickie-Roi », une mini-série pour la télévision, où j’avais le rôle principal, une projection a été organisée pour les journalistes. Ils sont sortis morts de rire alors qu’ils venaient de voir un drame.


Vous avez pourtant joué « Ubu Roi », au Festival d’Avignon, devant le Palais des Papes.

J’intervenais dans des scènes chantées. J’ai donné la réplique à un débutant de 17 ans, Lambert Wilson.

Vous avez, plus tard, aidé un autre inconnu, Francis Cabrel. Racontez-nous !

Nous avions le même directeur artistique. Ce dernier m’a demandé si je pouvais le prendre en première partie de mon prochain Olympia. Il avait sorti un album qui n’avait pas marché, et il voulait lui accorder une seconde chance. Francis a la gentillesse de ne pas avoir oublié ce coup de pouce.


Votre plus grand fan a été votre père, n’est-ce pas ?

Quand je chantais à l’Olympia, il venait me voir tous les soirs. Avant le spectacle, il abordait des inconnus dans le hall en se présentant, fière-ment, comme le père de Dave !


Les années 80 ont été celles de votre traversée du désert. Comment l’expliquez-vous ?

Le disco m’a tué ! J’ai chanté à minuit dans des discothèques devant un public qui ne m’écoutait pas toujours. On m’a un jour proposé de donner des concerts pendant une croisière sur le pa-quebot Mermoz. J’ai hésité avant d’accepter et je ne l’ai pas regretté ! J’ai tellement adoré que j’ai récidivé à sept reprises.

Le 4 mai, vous fêterez vos 80 ans. Comment comptez-vous célébrer l'évènement ? 

Par un concert, à Paris a Grand Rex, le 21 mai. Ma façon de dire merci à un public dont je suis toujours amoureux.

Auteurs liés