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Dave : l'interview dans Le Point

À l’occasion de la sortie de ses mémoires, l’interprète de « Vanina », 80 ans dans quelques mois mais ne le lui rappelez pas trop, nous reçoit chez lui et déballe tout. Drôle et sincère.

Entre Arnaud Lagardère et Vincent Bolloré, il y a… Dave. Le chanteur d'origine néerlandaise reçoit chez lui, Villa Montmorency, dans une agréable maison qu'il loue depuis une dizaine d'années avec son mari Patrick Loiseau. Dans cette enclave du 16e arrondissement de Paris à l'entrée sécurisée, les villas de tous styles se succèdent et le calme prédomine. Dave aime vivre ici, il croise parfois ses illustres voisins, dont celui d'en face, « avec Lagardère, on se dit gentiment bonjour, j'aime bien sa femme, super sympa ». Il précise que réside aussi dans le secteur le fondateur du groupe NRJ Jean-Paul Baudecroux, pour aussitôt dévoiler une anecdote piquante : « Il a essayé de m'engager comme animateur sur Nostalgie, mais au vu du prix qu'il me proposait, on l'a surnommé Oncle Picsou ! » Dave se marre, observe notre réaction.

C'est un peu sa marque : il oscille sans cesse entre un franc-parler caustique et le regret d'une saillie trop vite distillée. Même le prétexte de la rencontre – Dave sort son autobiographie – ne nous offre guère le discours lénifiant habituel de l'artiste en promotion : « C'est le troisième livre sur ma vie ; or je n'en ai qu'une ! Mais c'est à chaque fois pour la même raison que je le fais : le joli chèque. » Dave et les sous, quelle histoire ! Au faîte de sa gloire, son conseiller fiscal avait mélangé ses frais avec ceux d'autres artistes pour alléger la note. Dave ne s'occupant de rien, un sacré redressement lui est tombé dessus, il avait dû se séparer de sa maison nichée dans le Marais à Paris.

Dave et 1 700 euros de retraite par mois

Quand on s'enquiert de ses soucis et mauvais comptes, il ironise : « Il n'y a pas d'apprentissage pour devenir riche ! Ce que je ne suis plus, je préfère vous prévenir. Je ne me plains pas, mais je touche 1 700 euros de retraite par mois. » Plutôt étonnant pour un chanteur qui a écoulé du vinyle comme personne dans les années 1970, jusqu'à 40 000 disques par jour alors qu'aujourd'hui un disque d'or se gagne après seulement 50 000 exemplaires vendus. Les pratiques de l'époque n'ont pas aidé, car l'interprète du « Côté de chez Swann » empochait pas mal de cachets en liquide… « Heureusement, j'ai mis de côté, je boursicote, et j'ai épousé mon auteur-compositeur. Patrick touche presque le double de retraite et je continue les galas. »

Le prochain, à Liège, affiche complet. Lorsque Dave prononce le mot « gala » qui nous projette irrémédiablement au temps jadis des 45 tours, ses yeux s'illuminent. Et le voilà qui évoque, sans une once de second degré, le public, son plaisir à fouler une scène pour chanter encore et encore « Vanina » et la multitude de tubes qui ont suivi : « Ce sont de vrais moments de bonheur. Je ne suis plus le même, un micro en main, j'atteins un état second. Lorsque j'interprète la chanson que Patrick a composée pour ma mère qui venait de mourir, les spectateurs, qui n'ont plus 20 ans, sont émus. »

Ne lui parlez pas de retraite. À l'inverse d'une autre célèbre voisine de la Villa Montmorency, Sylvie Vartan, qui se prépare, selon les rumeurs, à tirer sa révérence cette année. « Moi jamais. C'est trop important ! » Pourtant, le petit Hollandais natif d'Amsterdam, sous le nom de Wouter Otto Levenbach, aura en mai prochain le même âge que sa blonde consœur : « 80 ans, je suis horrifié. Je n'ai rien vu passer, je n'ai pas évolué du tout. Je suis exactement le même qu'à 14 ans : aucune sagesse. »

À le voir déambuler dans le beau décor de sa maison – des tirages argentiques encadrés, une peinture réaliste aux couleurs pastel peinte par Patrick qui représente deux jeunes amis morts du sida, des meubles design –, on peine à l'imaginer en train de faire la manche pendant quatre ans, juste après son arrivée en France. Dave, fils de bonne famille, a conservé de cette jeunesse bohème de bons souvenirs : « J'aurais dû continuer fiscalement ! Je gagnais l'équivalent de 150 euros par soirée. Je dormais sur un bateau avec mon copain Joost, malheureusement hétérosexuel… Quel dommage, j'ai essayé mais il m'a viré de la cabine. »

Les années de vache maigre

L'été à Saint-Tropez, il poussait sa voix aiguë devant la crêperie du port, au Papagayo ou face au café de la Ponche. « Je chantais des chansons de Régine et, un soir, une petite bonne femme se dirige vers moi. C'est elle, c'est Régine qui m'invite à l'intérieur où d'emblée un monsieur me demande si je veux coucher avec lui… C'était Jacques Chazot ! Avec Régine, on est devenu copains, je lui ai rendu visite dans son Ehpad 15 jours avant sa mort », se souvient celui que sa première maison de disques avait affublé du pseudonyme Dave Rich.

Le hasard n'a jamais été une mince affaire dans son existence : « Je suis un peu mystique, car tout m'est venu sans que je ne réclame quoi que ce soit. » Un jour de 1971, alors que Dave se rend chez Paul Beuscher pour faire réparer des cordes de guitares, le vendeur le prévient que des auditions se tiennent non loin pour la comédie musicale Hair. Dave décroche un rôle, non pas pour Hair mais pour la version française d'une autre comédie musicale Godspell aux côtés notamment d'Armande Altaï. 700 représentations à la clef en compagnie d'un tout jeune comédien qui deviendra son meilleur ami, Daniel Auteuil. « On a tellement rigolé lui et moi, mais il ne veut plus que je l'évoque dans les médias, parce que je balance des bêtises. »

Et le succès ? Il fut long à la détente. Dave enregistre une dizaine de morceaux chez Barclay, mais rien ne prend. « Je ne savais pas écrire de tubes. » Jusqu'à la rencontre avec Patrick Loiseau, dont la plume transformera « Runaway » de Del Shannon en l'indétrônable « Vanina ». Résultat : un million de 45 tours vendus. En 1974, notre blondinet au sourire Pepsodent devient l'incarnation du chanteur pour midinettes. « J'étais le roi du monde ! Numéro 1 devant Sardou et Johnny dans les élections annuelles du magazine Salut les copains. » La folie dure sept ans. Mais les années 1980 se pointent et balaient les vedettes de la décennie précédente, Dave ne parviendra jamais à se hisser dans le Top 50. « Je souhaitais arrêter les chansons trop primaires, mais les "minettes" n'ont pas suivi. Le public finit toujours par se lasser », analyse-t-il sans aigreur.

« Gabriel Attal, on pourrait en parler normalement... »

Jamais durant ces années, Patrick et lui n'ont fait l'objet d'un seul article, « cela ne faisait pas vendre ». Personne n'aborde l'homosexualité de Dave. Dans son livre, il n'en fait d'ailleurs pas grand cas. « Même si je suis en France depuis 1965, j'ai conservé des traits de caractère néerlandais. Là-bas, ce n'est pas un sujet, on s'en fout. Ici, non. Regardez Gabriel Attal, on pourrait en parler normalement, donner le nom de son compagnon, mais ce n'est pas aussi simple. Je n'ai jamais souffert d'ostracisme, sauf quand l'émission de TF1 animée par Jean-Pierre Foucault, Qui veut gagner des millions, a refusé que l'on y participe en tant que couple. »

Côté carrière, la traversée du désert conduit Dave sur mer : le voilà chanteur de croisières, invité à se produire sur des paquebots de luxe. Une destinée tout à coup troublée par une rencontre chez le coiffeur avec la productrice télé Dominique Cantien. Elle a repéré l'animateur en lui, le mariole capable de reparties fulgurantes. Et il se retrouve à présenter et dépoussiérer la présentation du ringard concours de l'Eurovision avec son grand ami Marc-Olivier Fogiel… avant qu'ils ne soient remerciés, pour avoir fait montre de trop d'irrespect envers les candidats.

Le « french batave » aura alors sur France 3 son émission à lui, Du côté de chez Dave, qui a duré deux ans. « Aujourd'hui, je travaille pour la chaîne Melody. C'est moins payé mais pas mal. Mes clients vont mourir, les gens ne s'en rendent pas compte mais mes derniers succès remontent à 50 ans ! » Il éclate de rire. Une question sur son image parfois désuète fait resurgir de sa mémoire un moment de complicité avec Charlotte Gainsbourg : « Je sais qu'à 10 ans, les murs de sa chambre étaient couverts de mes photos, mais elle a déclaré un jour qu'enfant, elle avait un goût de chiotte ! L'an dernier, au cours de l'anniversaire de Muriel Robin à Saint-Rémy, je suis allée la voir pour lui en parler, elle était écroulée de rire. Je l'ai découverte, c'est une fille très marrante. »

Dave se permet à nouveau quelques blagues et une série de remarques drôles sur tel artiste, avant de les regretter aussitôt. Dans son ouvrage, une scène hilarante le voit suggérer à un chanteur célèbre de « laisser tomber la grosse » qui l'accompagne à un dîner. Fâcherie monumentale avec la jeune vedette, madame étant sa mère. Dave arbore un regard contrit : « C'est plus fort que moi, mais je ne suis pas méchant. »

Il se tourne vers l'escalier du salon, celui-là même où il est tombé il y a deux ans, le plongeant quatre jours dans le coma. Remis, il a toutefois perdu un peu de la mémoire immédiate ainsi que le goût et l'odorat. « Pour un épicurien comme moi, manger du poulet deux fois par jour, quelle tristesse ! » Lui qui, depuis 1977, s'envolait chaque hiver un mois à Los Angeles avec Patrick au mythique hôtel Château Marmont, n'a plus mis un orteil en Californie depuis le Covid.

Le soleil leur manque. Ils reviennent de leur maison du Vaucluse, voisine de celle de l'ami Renaud, qui va mieux. Dave et Patrick songent à s'installer là-bas. Toujours ensemble, après 52 ans de vie commune et quelques passades. Dave révèle même qu'ils ont vécu à trois quelque temps, avec Titi, mort du sida depuis. « Je suis comme ma mère, l'homme d'un seul homme. Il faut tout faire pour que cela tienne… y compris mentir. Chaque soir, je mesure la chance que j'ai de me coucher dans les bras de Patrick. Nous formons une entité. » Mieux qu'une chanson en somme.

Comment ne pas être amoureux de vous, Talent éditions.

Par Aurélie Raya pour Le Point

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