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Djibril Cissé : l'entretien avec Ouest-France

Sept ans après son autobiographie, Un lion ne meurt jamais, Djibril Cissé a récemment publié son deuxième livre chez Talent Éditions, Ma vie de footballeur. L'ex avant-centre y raconte les coulisses de sa carrière avec quelques anecdotes croustillantes. Il distille également ses conseils aux jeunes footballeurs souhaitant se lancer dans cette vie "hors-norme". Entretien sans filtre. 

Djibril Cissé à marqué le football français de son empreinte. Ses buts supersoniques, ses tenues, ses coupes de cheveux et son phrasé ont fait sa renommée. Il n'a jamais laissé indifférent, restant, aujourd'hui encore, l'idole de beaucoup de Français. L'ancien international tricolore (41 sélections) a récemment publié son deuxième livre chez Talent Éditions, Ma vie de footballeur

L'ancien avant-centre (42 ans), désormais entraîneur des attaquants à l'AJ Auxerre, revient sur les moments marquants de sa carrière en livrant quelques anecdotes croustillantes vécues dans le vestiaire. À chaque fin de chapitre, il a également fait le choix de livrer ses conseils aux jeunes footballeurs souhaitant se lancer dans cette vie "hors-norme". 

Pourquoi avoir écrit ce nouveau livre ? 

C'était une décision commune avec ma maison d'édition. Sept ans après mon autobiographie, je voulais me lancer dans un livre différent. Je raconte ce qu'il s'est passé durant ma carrière, tout en essayant de conseiller les jeunes pousses face à des situations périlleuses, certains problèmes qu'ils pourraient rencontrer dans leur carrière. Parce que je les ai vécus et que je sais où cela peut amener. C'est une chose importante. 

Est-ce que ce livre veut aussi confirmer que derrière chaque footballeur, il y a un humain ? 

Être footballeur, ce n'est pas une vie de jeu vidéo. Beaucoup ont tendance à l'oublier. Nous sommes humains avant tout malgré toutes les sollicitations, toutes les sommes faramineuses que l'on peut toucher. Un jeune de 20 ans reste un jeune de 20 ans : il fait des bêtises, des erreurs avec ses premiers salaires, comme cela a été mon cas. Si mon livre peut éviter aux jeunes de les faire, c'est parfait. 

Comment expliquez-vous que vous conservez une certaine cote de popularité dans le milieu du football ? 

Je suis une personnalité différente, forte en lumière, forte en couleur. Cela plaît. J'ai toujours été droit et honnête. J'ai toujours dit ce que j'avais à dire. Que cela plaise ou non. Les gens apprécient ça aussi. 

Avez-vous eu besoin de temps pour mettre des mots sur ce que vous avez vécu durant votre carrière ? 

Non, je me connais bien. J'ai conscience de mes points forts et faibles. Je sais ce que je peux ou ce que je ne peux pas faire. Quand je fais les choses, je sais m'analyser. Je sais faire mon autocritique. Par exemple, je n'avais pas besoin de lire la presse après un match. Je n'avais pas besoin que quelqu'un me dise que j'ai été bon ou pas. J'en avais conscience. 

Dans ce livre, on sent que vous avez, à demi-mot, tourné la page de votre carrière professionnelle...

Ce n'est pas à demi-mot. C'est clair. Aujourd'hui, je suis retraité. On commence à comprendre que cela restera comme ça. Je prends du plaisir dans ce que je fais. Je remets un pied sur les terrains, mais de l'autre côté de la barrière, en entraînant les attaquants d'Auxerre. Pour moi, c'est fini. 

Avez-vous des regrets, comme celui de ne pas avoir franchi la barrière symbolique des 100 buts en Ligue 1 ? 

C'est toujours là, tellement proche de ce que je voulais réaliser. Mais à un moment donné, il faut savoir passer à autre chose. Il faut vivre sa vie. C'est totalement ce que je fais. 

Dans votre livre, vous évoquez les expected goals, avec un avis très tranché sur le sujet... 

Ce terme expected goals, ça veut dire quoi de base ? C'est un but qui aurait pu être marqué. Mais, dans ces cas-là, un joueur qui a le ballon, peut importe sa position, peut tout le temps marquer si je suis le raisonnement. Ça ne veut rien dire et on juge des joueurs sur ça. "Ah il a failli marquer", oui mais non ! "Le gardien a failli faire l'arrêt", mais il en a pris cinq. Les faits sont les faits. Un but c'est un but. Ce n'est pas un "presque but". Cela me fait rigoler. Des joueurs prennent ou perdent de la valeur financière parce qu'ils marquent presque des buts, parce qu'ils sont presque décisifs. La technologie, la data, c'est bien mais il faut rester sérieux. 

Vous êtes désormais entraîneur des attaquants à l'AJ Auxerre, meilleure attaque de Ligue 2 (30 buts en 14 matches). En êtes-vous fier ? 

Je suis totalement fier de ce qu'il se passe. Je travaille avec de très bons gars. J'ai des bons joueurs, des bons hommes avant d'être de bons joueurs. Ils ont envie d'apprendre, ils écoutent, ils travaillent bien. C'est un régal. J'ai plus une relation de grand frère que d'entraîneur avec eux. Je n'ai pas envie d'avoir cette barrière de travailleurs-joueurs. Ce sont des amis. Quand on est sur le terrain, on travaille avant tout. Quand il faut pousser des gueulantes, on le fait. Cette relation de proximité, ça se voit. On en a mis cinq contre Saint-Étienne (5-2), ils auraient pu en mettre un ou deux de plus si on veut chipoter. Je mets un petit peu de mon expérience et de mon travail à leur service et cela marche bien. 

Vous faites un gros travail mental avec eux...

Oui c'est ça. Techniquement, qu'ai-je à leur apprendre ? S'ils sont là, en Ligue 2, c'est qu'ils ont du talent. Par contre, mentalement, je peux leur apporter. Quand un attaquant ne marque pas, qu'il rate plusieurs occasions sur plusieurs matches, là, c'est important. Il faut se demander comment on rectifie le tir. C'est le cas de le dire. Je peux aussi les aider sur le placement, la malice, les appels contre-appels, le jeu de corps...

Pour vous, cela semblait logique de revenir à l'AJ Auxerre pour entamer votre carrière d'entraîneur après celle de joueur ?

C'est le club où tout a commencé. La boucle est bouclée. Commencer ma future vie - ou pas - d'entraîneur à Auxerre, c'était logique. Je ne vois pas où j'aurais pu commencer autrement. 

Vous voyez-vous devenir entraîneur principal ?

Honnêtement, pour l'instant, non. Je vais passer mes diplômes comme tout le monde. Là, tout de suite, je suis bien dans le spécifique attaquant. Je sais comment leur parler. Les situations de disette qu'ils peuvent traverser, je les ai vécues donc je peux les aider. Pour être entraîneur principal, je pense que je n'ai pas encore la fibre nécessaire. Mais je suis encore jeune. Dans cinq, dix ans, on ne sait jamais. 

Quel conseil donneriez-vous aux jeunes souhaitant de se lancer dans le football ? 

Allez-y, travaillez. Il faut y croire. C'est compliqué, mais ça vaut le coup. Cela demande beaucoup de travail, de sacrifices. Personnellement, quand mes copains faisaient la fête en boîte de nuit, j'étais au centre de formation à travailler mon match. Et à être dans ma chambre à me divertir différemment. Cela vaut le coup. J'ai des souvenirs de fous. J'ai représenté mon pays, ce n'est pas donné à tout le monde. Aujourd'hui, je peux faire ce qu'il me plaît. Tout ça parce que j'ai fait des sacrifices et le travail qu'il fallait. Il y aura des périodes difficiles, mais il faut s'accrocher. 

Par Quentin Burban pour Ouest-France.