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John Brennan au Parisien : "Biden est prêt à avoir recours à la force"

John Brennan, ancien directeur de la CIA, estime que le nouveau président des États-Unis n'est pas un homme de guerre mais n'hésitera pas à y avoir recours si nécessaire. 

Ancien directeur de la CIA, (2013 - janvier 2017), nommé par Barack Obama après avoir été son conseiller à la Maison-Blanche, John Brennan publie aujourd'hui Diriger la CIA, mon combat contre le terrorisme (Talent Éditions). Il nous livre son regard sur le bras de fer de Biden contre Poutine et Xi Jinping. 

Joe Biden a-t-il raison de traiter Poutine de "tueur" et d'afficher sa dureté face à la Chine ? 

J'ai été franchement surpris par la violence du langage utilisé. Je pense que l'intention du président Biden était d'envoyer au plus tôt à Moscou et à Pékin le signal que les États-Unis ne vont pas les laisser agir en fauteur de troubles. En général, je préfère la formule du président Teddy Roosevelt (NDLR : de 1901 à 1909): "Parle doucement mais porte un gros bâton." On s'exprime très fermement en privé, mais on évite de mettre publiquement dans l'embarras des chefs d'État étrangers. Cette "première salve" devait être tirée, mais j'espère que la discussion plus musclée retournera désormais dans les réunions fermées. C'est une chose que Donald Trump adorait faire, dénigrer les gens en public. 

Biden peut-il devenir un président de la guerre ? 

Il n'est pas homme à chercher des occasions pour faire la guerre. En même temps, il croit que les grandes nations ne peuvent pas bluffer : si nous disons quelque chose, nous devons être prêts à assumer. Il va montrer qu'il est prêt à avoir recours à la force militaire si nécessaire. Ainsi-t-il ordonné des frappes contre des milices pro-iraniennes basées en Syrie qui avaient mené des attaques contre les forces américaines en Irak. 

Comment qualifier la situation avec la Chine : une guerre froide ? 

C'est une relation tendue, mais Joe Biden n'essaiera pas de provoquer un conflit armé avec la Chine, ce ne serait dans l'intérêt de personne. Contrairement à Trump, Biden comprend ce qu'est une relation très complexe. Il va essayer de trouver des moyens de réduire les tensions, mais ne reculera pas. 

La Russie et la Chine sont particulièrement agressives sur les cyberattaques, pourquoi ? 

D'abord, quand on envoie un missile le pays visé sait avec certitude d'où il vient. Il y a ce qu'on appelle une "adresse de renvoi". Avec le cyber, il y a toujours un degré d'incertitude sur la provenance. En outre, qu'il s'agisse de voler la propriété intellectuelle ou des identités, ou de hacker des réseaux gouvernementaux, les attaquants ont l'impression de pouvoir s'en tirer à bon compte. Car la communauté internationale n'a pas établi de cadre efficace pour punir ces acteurs. On voit non seulement la Chine et la Russie mais aussi la Corée du Nord, l'Iran et d'autres pays s'engager dans des cyberattaques. 

La collaboration en matière de renseignement avec la France reste importante ? 

Comme directeur de la CIA, j'ai eu affaire aux patrons des services français intérieurs et extérieurs - à l'époque Patrick Calvar et Bernard Bajolet - et nous avons partagé beaucoup de renseignements. J'ai trouvé que la relation Américains-Français était une des plus solides au monde. Elle a quelque chose de spécial, s'est forgée au cours des guerres mondiales, de la guerre froide, des menaces terroristes, parce que que nous sommes deux puissances nucléaires, des partenaires à l'Otan. Il y a tant de choses qui nous lient que, même sous l'administration Trump, cette coopération est demeurée très forte.

Quelles sont les plus graves menaces ? 

Les États-Unis et la France continueront de faire face à des menaces sérieuses de la part des groupes terroristes tels qu'Al-Qaïda ou l'EI. À l'intérieur beaucoup d'individus décident d'agir de leur propre initiative. À l'extérieur, le monde arabo-musulman continuera à avoir des extrémistes en son sein, mus par l'idéologie et opposés aux sociétés occidentales. En outre, aux États-Unis et en Europe, il y a une extrême droite grandissante, les services de sécurité doivent être vigilants tous les jours pour empêcher ses membres d'agir. 

Faut-il retirer à Donald Trump ses accréditations au secret-défense, comme il l'a fait à votre encontre pour vous "punir" de vos critiques ? 

Je ne vois aucune raison de les lui maintenir. S'il y avait quelque menace contre lui, je suis sûr que les services secrets feraient en sorte de l'informer. Mais il n'a plus à recevoir tous les briefs sécuritaires. 

Par Henri Vernet.