Morgane Giuliani : l'interview avec Le Point

Comment Taylor Swift fait tourner la tête des fans avec ses « surprise songs »

La nouvelle reine de la pop débarque enfin à Paris avec son « Eras Tour », point de départ de sa tournée européenne. L’occasion de décrypter l’un des moments les plus attendus de ses concerts.

Les « swifties » comptent les jours… et peut-être même les heures, les minutes et les secondes ! La tornade Taylor Swift s'apprête à déferler sur l'Europe avec sa tournée monumentale, « The Eras Tour », dont les quatre premières dates se tiennent à Paris, du jeudi 9 au dimanche 12 mai, à La Défense Arena. Mais une question hante les fans de la plus grande pop star du moment : va-t-elle maintenir les « surprise songs »  ? Et surtout, sous quelle forme ? Décryptage d'un phénomène, qui en dit long sur la folie qui entoure la chanteuse et ses prestations scéniques.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, il convient de décrire « The Eras Tour », dont les bénéfices pourraient atteindre les 2 milliards de dollars, dépassant l'ultime tournée de la carrière d'Elton John, considérée jusqu'à maintenant comme la plus lucrative de tous les temps. Dans ces concerts monumentaux, l'Américaine de 34 ans interprète plus d'une quarantaine de morceaux, revenant sur l'intégralité de sa carrière… démarrée il y a déjà vingt ans.

Là où les artistes et groupes jouent leurs compositions comme bon leur semble sur scène, ici les titres sont interprétés album par album, ère par ère, d'où le nom « Eras ». De tous les disques créés par Taylor Swift, seul son premier, très country, ne fait pas partie du spectacle. Ce qui ne veut pas dire qu'elle n'en jouera pas un extrait pour autant.

Un moment privilégié avec les spectateurs

C'est là qu'interviennent les « surprise songs », ou chansons surprises en bon français, jouées dans le dernier quart du concert. « C'est quelque chose qu'elle fait depuis plusieurs tournées maintenant : elle accorde toujours un moment acoustique à ses fans », nous explique Morgane Giulani, grande fan et spécialiste de la chanteuse.

« À ce moment-là, on ne sait pas quelle chanson on va avoir, ce sont généralement des morceaux plus rares, qu'elle ne chante plus depuis longtemps. Elle va être seule avec sa guitare ou son piano. Ce sont des moments privilégiés, dont elle profite pour se rapprocher des spectateurs plus éloignés vers le fond de la scène. C'est la loterie mais c'est assez excitant », jubile l'autrice de Taylor Swift : la rebelle devenue icône*. C'est également l'occasion, pour celle qui compose tout ce qu'elle interprète, de faire monter, de temps en temps, des invités sur scène. Mais aussi d'annoncer des nouveautés comme un clip, une réédition d'album ou la sortie d'un vinyle en édition limitée.

En fonction de ce qu'elle va jouer, ses admirateurs vont nourrir nombre de spéculations. « On a l'impression qu'elle nous envoie des messages », développe l'écrivaine. « De manière générale, sa musique, c'est vraiment des zooms sur des moments très particuliers de sa vie, quand elle joue tel morceau, on peut y voir un indice, une façon de dire : “Et bien là, en ce moment, je me sens comme ci, comme ça, etc.” Je pense que ça alimente aussi une relation parasociale. »

Des tableaux Excel, des paris, une appli…

Au commencement du « Eras Tour », le 17 mars 2023 à Glendale, en Arizona, l'artiste a énoncé une règle : ne jamais jouer deux fois la même surprise pendant son périple à travers les stades américains. Un principe qui a mis en ébullition ses fidèles. Date après date, certains se sont chargés de répertorier toutes les chansons entendues à cette occasion, et celles qui ne l'ont pas encore été. Des tableaux Excel sont ainsi créés pour compiler toutes ces précieuses données. Des paris ont été organisés… Et même une application, payante, a été lancée.

Avec « Swift Alert » – c'est son nom –, il est possible de recevoir une notification en direct sur son téléphone à chaque fois que les mélodies surprises sont sur le point d'être jouées, peu importe où l'on se trouve sur la planète. Une fois ouverte, l'appli renvoie l'utilisateur vers le direct du concert sur YouTube ou TikTok, capté plus ou moins légalement par des spectateurs au cœur du show. Des milliers de fans se connectent alors, écoutent et échangent.

« C'est le 1,99 euro le mieux dépensé de ma vie, rigole Émilie, « swiftie » depuis plus de dix ans. À chaque fois, c'était l'occasion d'écouter en temps réel des choses qu'elle n'avait pas ou peu jouées sur scène. Il y a aussi un effet surprise trop cool et c'est un vrai jeu de découvrir ce qu'elle joue dès les premières notes. »

Une petite activité qui comporte un risque : tomber sur un morceau qu'Émilie et ses proches espéraient entendre lors des nombreux concerts auxquels ils vont assister partout en Europe dans les mois à venir. La fan reconnaît aisément avoir déjà eu les larmes aux yeux. « Quand une chanson qu'on aime trop a été jouée, on dit “j'ai perdu tel titre” », explique la passionnée, qui ne s'est toujours pas remise que Taylor Swift ait choisi Singapour et non pas Paris pour interpréter « Mirrorball », une de ses ballades préférées.

Mais il y a pire : tomber sur des « surprise songs » que personne ne connaît. « Au Japon, ils n'ont pas été gâtés par exemple, avec une sélection vraiment obscure… », commente la trentenaire, qui a des billets pour trois des quatre dates parisiennes.

Taylor Swift a décidé de révolutionner ses « surprise songs »

Alors, à quoi s'attendre pour Paris ? Au début de l'année 2024, « Taytay » – comme elle est surnommée – a remis les compteurs à zéro pour les fameuses « surprise songs ». Une révolution qui en cachait une autre : la prolifique créatrice a ensuite fait savoir qu'elle souhaitait être plus souple sur la fameuse règle qu'elle s'est imposée.

 J'ai réfléchi, je veux être aussi créative que possible lors de mon set acoustique. Je ne veux rien limiter et je ne veux plus simplement me dire : “Oh, si j'ai déjà joué une chanson, je ne peux plus la rejouer.” Donc à partir de maintenant, je ne veux plus enlever de couleurs de ma palette de peinture », a-t-elle fait savoir à son public le 18 février dernier, à Melbourne. Or, depuis cette annonce, aucun des 34 morceaux interprétés depuis le début de l'année n'a été joué deux fois.

« Paris », « Begin Again »

Si le but reste de surprendre son audience, il existe aussi une certaine logique. « Un 29 avril, qui est une date évoquée dans l'une de ses chansons, elle a joué “High Infidelity”. Tout le monde a deviné qu'elle allait la faire à cette occasion, et c'est ce qu'il s'est passé », se remémore Émilie. Suivant ce raisonnement, elle comme Morgane sont certaines que leur idole proposera « Paris », contenue dans l'album Midnight, mais aussi « Begin Again », dont le clip a été tourné dans les rues de la capitale, lors de ses concerts parisiens.

Reste une inconnue, et pas des moindres : quid de The Tortured Poets Department, le onzième album de l'Américaine, sorti il y a quelques jours à peine ? Dans une vidéo teasing où la star confie sa hâte de venir jouer à Paris, on peut la voir répéter sur une scène qui laisse clairement apparaître les initiales de l'album. Il n'en faut pas plus pour convaincre les dévots que « TTPD » fera partie des prochains concerts…

Taylor Swift va-t-elle ajouter une « ère » à sa liste déjà très généreuse de chansons, ses dernières productions vont-elles intégrer la fameuse séquence acoustique ? Va-t-elle, de nouveau, changer les règles de ce rendez-vous ? Les swifties ne sont visiblement pas au bout de leurs surprises…