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Post Frontière : la chronique dans L'Indépendant

Maxime Gillio romance la vie de trois femmes, trois Allemandes de trois générations différentes pour embrasser toute l'histoire contemporaine de ce pays meurtri par la guerre et la partition. 

Anne, Inge et Patricia. Trois femmes au centre de ce roman signé Maxime Gillio. Un titre à double sens. Post Frontière sonne comme ces postes-frontières qui empêchaient, du temps du Mur et de la partition de l'Allemagne en deux pays antagonistes, de simplement rejoindre sa famille à quelques kilomètres de distance. Post Frontière comme ces souvenirs d'un temps par chance révolu, mais qui hante bien des consciences. 

Pour embrasser toute cette période, l'auteur tisse une toile subtile entre trois femmes. On en découvre le destin, le passé ou la vie actuelle (le roman se déroule en 2006) dans des chapitres courts, comme autant de tâches de couleur trop souvent ternes comme les évènements tragiques qui ont façonné l'Allemagne actuelle. 

Nouveaux camps

En 1945, la jeune Anna fait partie de ces Sudètes chassés de Tchécoslovaquie par des pestiférés. Il est vrai que quelques années auparavant, le régime nazi a envoyé des familles allemandes s'approprier les meilleures terres pour "germaniser" ces régions. En 2006, Patricia, journaliste, tente de gagner la confiance d'Inge. Cette retraitée d'un peu plus de 60 ans est atypique. Dans les années 60, elle a risqué sa vie pour rejoindre l'Ouest. Mais au bout de quelques années, elle a fait le chemin inverse et préféré la RDA, socialiste et totalitaire, à la RFA, capitaliste et démocratique. Patricia aimerait écrire un livre sur ce parcours différent. Mais pas facile de trouver un terrain d'entente avec l'acariâtre vieillarde. D'autant que Patricia, célibataire en mal d'enfant, alcoolique et désespérée, semble cacher le véritable motif de cette rencontre. En progressant dans les rapports entre les deux femmes, on découvre, en plus de personnalités fortes malgré d'importantes fissures, tout un pan de l'histoire allemande. 

Comment, par exemple, les Sudètes, renvoyés en Allemagne par les vainqueurs, ont été parqués dans des camps. Les femmes, exploitées, humiliées, souvent violées, y ont perdu leurs derniers espoirs. Sauf Anna, qui, après un terrible viol collectif, "sent une force nouvelle l'envahir, un instinct de survie bestial l'a réveillée. Elle qui était entrée fantôme dans le camp, décidée à se laisser mener à la mort, a désormais l'intention de survivre." 

Cela permettra à Inge de naître quelques mois plus tard et de passer une enfance presque heureuse dans une famille d'accueil. Inge, qui rêvera de liberté avec son premier amour, Chirstian, tué en tentant de franchir le mur. Inge, boule de rancœur, capable de tout pour se venger. Tout comme Patricia aux blessures tout aussi profondes. Toute la force du roman est de finalement redonner de l'espoir aux survivants, prouver que comme les hommes, une nation est toujours capable de se relever et de partir de l'avant. 

Par Michel Litout pour L'Indépendant.