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Richard Volange invité d'Élodie Suigo sur France Info

Le mercredi 14 juin, Richard Volange était l'invité d'Élodie Suigo dans Le Monde d'Élodie sur Franceinfo. L'occasion de revenir sur la sortie de son livre, Espion, 44 ans à la DGSE.

Richard Volange a été espion pendant 44 ans à la DGSE, la Direction générale de la Sécurité extérieure. Il a passé dix ans aux archives, trois à la section Europe et une vingtaine au service Afrique, appelé le secteur N de la DGSE, dont quinze sur le terrain. La Centrafrique, le Burundi, l'Angola, la République du Congo n'ont presque plus de secrets pour lui. Il a au fil du temps, appris à vivre avec la politique française aussi en Afrique et à la cerner, à cerner les erreurs qu'elle a pu commettre. Il vient de publier le livre Espion 44 ans à la DGSE aux éditions Talent.

franceinfo : Au cœur de cet ouvrage, j'ai l'impression qu'il y a une nostalgie, un regret, de ne plus en faire partie. Vous auriez pu continuer si l'administration n'avait pas considéré que vous étiez trop vieux pour le marché de l'emploi. C'était ça aussi que vous souhaitiez dire dans cet ouvrage ?

Richard Volange : Oui, aussi. Il y avait plusieurs volets en ce qui concerne la publication de ce livre. Quelque part, c'était une forme de thérapie parce qu'effectivement, pour moi, ça a été difficile de quitter le service dans ces conditions. C'était aussi pour donner des clés aux jeunes, leur expliquer que c'est un parcours auquel ils pourraient être parfaitement confrontés. Et puis, le fait que, c'est vrai, j'aurais souhaité une dernière affectation parce que j'estimais être encore capable de le faire.

C'est quoi un agent secret ? Pour beaucoup, on a, inévitablement, l'image de James Bond 007 !

Déjà pour commencer, ce n'est absolument pas ça ! Le glamour est en train de tomber. Pas du tout ! Un agent secret, c'est simplement quelqu'un qui est chargé de collecter des renseignements le plus discrètement possible, avec évidemment un panel de sources qu'il faut recruter et gérer dans la durée.

Vous dites que la DGSE est pour vous est une histoire de famille. C'est effectivement votre père qui vous fait entrer dans ce service alors que vous n'avez que 19 ans. Il était au service reprographie, il créait des faux documents, de faux papiers et vous en avez bénéficié parce que tous les agents, vous le révélez dans cet ouvrage, bénéficient et possèdent une identité fictive.

Oui, c'est exact. C'est donc ce même service qui fabrique les vrais faux passeports, cartes d'identité, permis de conduire, les attestations non-nominatives qui vous permettent d'échapper à certains contrôles de police. C'est effectivement ce service qui s'occupe de tout ça.

Vous dites qu'on devient schizophrène à faire ce métier.

C'est exact. Après, il faut pouvoir le limiter, donc tout dépend aussi de l'environnement dans lequel vous vivez pour essayer de limiter ses effets un peu pervers, dirons-nous, qui peuvent basculer dans la paranoïa également.

Vous avez fait vos débuts au service des visas. Nous sommes en 1978. Vous avez demandé à travailler sur les sujets africains. Pourquoi ?

Parce que l'Afrique me plaisait déjà à travers mon grand-père qui est décédé là-bas puisqu’après la Première Guerre mondiale, il s'est réengagé, le pauvre ne pensait plus qu'à être sur les théâtres d'opérations. Il y avait tout un prisme qui m'attirait sur le continent africain.

Vous vous racontez effectivement tout ce parcours : l'Angola, le Rwanda, le génocide, le Bénin, le Burundi, Kinshasa. On en sort indemne ?

Parfois, c'est compliqué parce que vous assistez à des scènes quand même assez choquantes. Au départ, vous gardez enfoui toutes ces histoires, vous n'en parlez pas. Après, ça devient compliqué quand ça ressort. Ça a été, notamment, le cas pour l'écriture du livre parce que tout est ressorti et il y a encore d'autres anecdotes qui progressivement reviennent à la surface.

Qu'est-ce qui vous a le plus touché ?

Ce qui m’a le plus touché, c'est le génocide pendant la guerre civile burundaise. C'était difficile, c'était choquant. Kinshasa dans une moindre mesure, même si le fleuve Zaïre charriait énormément de cadavres, mais ce n'était pas pareil, c'était une vision de loin alors qu'au Burundi, c'étaient des gens à côté de moi.

Vous avez tourné la page d'un seul coup. Vous avez refusé le pot de départ. Qu'avez-vous ressenti quand vous avez quitté les lieux après 44 ans de bons et loyaux services et à 63 ans, alors que vous étiez, comme vous le dites, à la fleur de l'âge ?

C'était un sentiment mitigé. D'un côté, j'étais un peu soulagé parce que je ne pouvais plus, j'avais trop de difficultés pour aller travailler parce que c'était devenu infernal. Je n'avais plus du tout la foi, mais en même temps une grande tristesse que ça se termine ainsi.

Vous êtes tenu au secret, c'est le principe de l'espion et pourtant, vous en "trahissez" pas mal dans cet ouvrage. En tout cas, vous racontez énormément de choses. N'êtes-vous pas tenu au secret professionnel ?

Alors si, je suis tenu au secret professionnel, même après avoir quitté le service. Je n'ai absolument pas souhaité faire relire le livre ou demander quoi que ce soit parce que de toute façon, tout est anonymisé. Je ne cite absolument aucun membre du service, aucun profil qui pourrait effectivement permettre de les identifier. Je ne trahis pas de secret particulier.

Avez-vous eu des retours par des personnes qui sont encore à la DGSE aujourd'hui ?

Oui. Ils sont mitigés. Il y en a un qui estime que je n'aurais jamais dû faire ça et d'autres qui sont effectivement très contents. Je trouve ça tout à fait légitime.