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Running Attitude : rencontre avec Sébastien Climent

À 34 ans, Sébastien Climent perd pied lorsqu'on lui diagnostique une maladie qui le réduit au rang de spectateur de sa propre vie. Ce sportif provençal remonte la pente pas à pas, jusqu'à se prendre de passion pour l'ultra. Une leçon d'espoir qu'il partage dans son livre, L'ultra-trail m'a sauvé la vie.   

"Nos seules limites sont celles que l'on s'impose". La maxime introduit un chapitre du livre de Sébastien Climent et résumerait presque son cheminement. A mental gagnant, rien d'impossible. Même avec une santé fébrile. La preuve. Parti de rien, revenu de loin, ce coureur du Vaucluse s'aventure aujourd'hui bien haut. À force de courage et de résilience. 

Un tsunami invisible. 

Sa vie bascule en 2014 alors qu'il s'est remis au sport après des années de "dilettantisme assumé à fumer des clopes roulées". Un dimanche sans prévenir, tout se met à tanguer autour de lui. "Comme un tsunami invisible qui me fait tomber à la renverse". Vertiges. Nausées. Ses crises deviennent violentes, récurrentes, invalidantes. Chaque bruit, chaque mouvement agit de manière quasi sismique sur son équilibre. La maladie de Ménière, syndrome de l'oreille interne qui entraîne perte d'audition, d'équilibre, vertiges et acouphènes à vie, l'envoie au tapis. Coup de massue quelques mois avant la naissance de son premier enfant. Entre errance thérapeutique et accès de colère - pourquoi moi ? -, il vit des jours sombres, des mois d'effroi. "Parfois, pouvant à peine marcher, je m'agrippais aux murs. Je n'étais qu'un poids mort qu'on traîne jusqu'à son lit. D'autres fois, le plus souvent possible, j'allais marcher 30 minutes le long du canal de Carpentras en regardant droit devant moi, sans tourner la tête, pour rester dans une zone de confort relative." Des "promenades éthyliques" comme il dit, à cause de sa démarche chancelante liées à ses troubles. 

Kiné, perfusion de Tanganil (un antivertigineux), suppos de Vogalen, orthoptiste, séances EMDR, hypnotiseur, pensée positive, cohérence cardiaque... il teste tout, jusqu'au marabout. Rien n'y fait. Ménière ne se guérit pas. "Il faut accepter d'être à l'origine de son mal-être, vivre avec, dans un état vaseux permanent", explique-t-il. L'accepter lui a pris deux ans. Tout un cheminement qu'il exorcise "pour aider ceux qui se sont retrouvés seul dans une traversée du désert et incompris des médecins". 

Ultra et au-delà.

Tout est dans la tête, ou presque. Le mental fait tout, ou beaucoup. Exactement comme en ultra, sport roi pour se confronter à soi. Sa passion haletante pour l'endurance, accompagne justement sa renaissance jubilatoire. Sans Ménière et ses galères, Sébastien n'aurait jamais osé goûter à cette ultra-dimension. Peut-être se serait-il cantonné à des distances "raisonnables". Avec son club, la Foulée de Sorgues, il a d'ailleurs accroché de belles places dans sa région (en route comme en trail). Avec un beau potentiel, en témoigne un 1h18' sur Marseille-Cassis sans entraînement. 

Sin Gapen'Cimes (58km et 4000 mD+) en 2016 lui donnera le goût du long et de la contemplation, un shoot d'émotions. Malgré des crampes terribles - dues à des boissons enrichies en sels minéraux qu'il s'interdit depuis, ne carburant qu'à l'eau - cette première expérience restera magique. 

Depuis deux ans, la pose d'un drain dans son oreille droite et d'un traitement au Diamox (diurétique) lui évitent des crises aigües. S'il se ménage au quotidien, acceptant les jours "sans" avec philosophie, il ne s'interdit rien sur le terrain sportif. On le suit ainsi sur les 100km de Millau en 2018. Encore une (més)aventure avec une crise de colique néphrétique à la mi-course. "Je pissait littéralement le sang et me tordais en deux". Au mental, toujours, il boucle en 10h45, soit 45 minutes de plus que son objectif initial, avant de s'écrouler dans la tente médicale. Kamikaze ? Sans doute. Obstiné en tout cas : "DNF - did not finished - sont des mots qui ne font pas partie de mon vocabulaire. Abandonner c'est inacceptable pour moi.". 

Embrunman + SwissPeak. 

Hier à terre, invincible aujourd'hui. Comme guérit d'une maladie qui pourtant le poursuit. L'an dernier, il est devenu ironman en 13h34' sur le mythique Embrunman (3,8km à la nage, 186km de vélo et un marathon). En nageant à la brasse, le crawl lui étant proscrit, et en remontant un paquet de monde par la suite. Trois semaines plus tard, il a rempilé sur les sentiers alpins, côté Valais suisse. Mémorable, son SwissPeak (170km et 11 000mD+) avec tempête de neige, genou en vrac, cheville en feu, mais il termine heureux, clopinant après 51 heures d'efforts et quelques hallucinations. Pas de doute, c'est au-delà de 100km, en montagne, en dormant à peine, qu'il vibre. En septembre prochain, il partagera le grand tour du lac de Serre-Ponçon (170km et 11 000mD+) avec Loïc, rencontré en Suisse. D'ailleurs le SwissPeak format 360km est coché pour 2021. Courir le plus long trail d'Europe alors qu'on pouvait à peine aligner deux pas il y a six ans, c'est terriblement génial. 

Par Alice Milleville.