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Thibaut Geffrotin à Sud-Ouest : "Les fans de Johnny sont des gens normaux"

Le spécialiste de Johnny est béarnais et il sort un livre. Le journaliste Thibaut Geffrotin a rassemblé des dizaines de témoignages de célébrités ou d'anonymes pour raconter le rapport complexe du chanteur avec ses fans.

Dans Johnny, une étoile dans nos yeux, le journaliste passé par RTL, Le Point et Eurosport raconte le magnétisme de la star auprès de ses fans. Thibaut Geffrotin, né à Pau il y a 31 ans, avait rencontré Johnny Hallyday à plusieurs reprises au cours des dix dernières années. Il a interrogé des dizaines de témoins, dont l'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, le chanteur Thomas Dutronc ou l'écrivain Marc Lévy. Une somme de 576 pages que ne manqueront pas les "Hallydéens" les plus assidus. 

Votre livre fait 576 pages, c'est beaucoup. Pourquoi si long ? 

Je n'avais pas prévu d'avoir autant de témoignages mais finalement, ça s'est enchaîné. Un musicien qui m'en présente un autre, un fan qui me dit : "Il faut absolument que tu parles à cette personne, il a des histoires incroyables", etc. Je voyais cela grossir au fur et à mesure et je ne voulais pas m'arrêter, parce que je sentais que je pourrais faire quelque chose qui s'adresserait à tout le public de Johnny et de toutes les époques. Même celle des années 1960, où je n'aurais jamais pensé trouver autant de gens qui ont suivi Johnny à ses débuts. Les sixties ont été tellement marquantes que les gens vivent dans un souvenir très précis de cette époque dorée. 

Ce projet est-il né après la mort de Johnny ou l'aviez-vous en tête depuis plus longtemps ? 

J'ai toujours eu envie d'écrire l'histoire de Johnny, bien avant son décès mais je n'avais trouvé l'opportunité ou l'angle précis pour le faire. Après sa mort c'est devenu comme un besoin parce que, comme tous les fans, j'avais besoin de combler le manque. Chaque année, on le voyait plusieurs fois en concert, on écoutait ses nouveaux disques... et puis, d'un seul coup, rien du tout. J'avais croisé tellement de gens qui m'avaient raconté la même rencontre que je voulais expliquer ce qu'ils ressentaient. Que ce soit avec Greg Zlap, la star du groupe de Johnny quand il jouait le solo de "Gabrielle" ou le fan du 150ème rang, tous ont les mêmes qualificatifs. 

Comment est née votre passion pour Johnny ? Vos parents ? 

Non, pas du tout. Mes parents n'avaient qu'un seul disque de Johnny au milieu de tous les autres de Cabrel, Eddy Mitchell, Julien Clerc, etc. C'était l'album "Gang", réalisé par Goldman. En fait, le déclic pour est très précis. Quand j'étais au collège du Bois d'amour de Billère, j'allais régulièrement à la médiathèque, où j'empruntais des livres et des cassettes. Et j'ai pris celle du Stade de France 1998 de Johnny. D'ailleurs, ce jour-là, j'ai aussi emprunté la cassette d'un concert d'Eddy Mitchell, mais je ne l'ai jamais regardée ! J'étais subjugué par le concert de Johnny. J'avais été estomaqué par sa prestance, sa voix, son look... Ses duos aussi, notamment celui avec Patrick Bruel qui était incroyable. 

Ensuite, je m'y suis intéressé petit à petit. J'achetais régulièrement un album par-ci par-là, un DVD, des bouquins. Et je l'ai vu pour la première fois sur scène en janvier 2007, au Zénith de Pau. Ce concert a été une confirmation que je devais le voir le plus souvent possible. Je n'imaginais pas encore que je le verrais 70 fois. La première fois que tu vois Johnny en face de toi, c'est indescriptible. Tu te demandes si c'est le vrai Johnny, puis tu entends sa voix... 

C'est étonnant, quand même, de tomber en admiration pour Johnny quand on est collégien au début des années 2000... 

Effectivement, ce n'est pas génération. Mais il m'a envoûté sans que je puisse dire pourquoi. Je me souviens qu'en 2003, il avait chanté au Parc des Princes sur TF1 et le lendemain au collège, j'avais envie d'en parler à tout le monde mais j'étais le seul à avoir été marqué. J'ai rencontré d'autres personnes comme moi, mais plus tard. Je parle de ce rajeunissement du public dans un chapitre. À l'échelle du collège oui, c'est une personne, mais 1+1+1+1+1+1 à l'échelle d'un Stade de France, ça fait beaucoup de monde... Il y a eu une jeune génération entre 18 et 35 ans qui s'est peu à peu imposée dans les premiers rangs, dans les années 2010. La première fois que j'ai parlé à quelqu'un de mon âge qui aimait Johnny, c'était en 2012 au Stade de France. En fait, je n'étais pas seul ! 

L'image des fans de Johnny, c'est souvent celles de gens exaltés et très premier degré. Quand on lit le témoignage de ce jeune homme au bord des larmes qui se fait tatouer une dédicace de Johnny sur le bras, on ne va pas forcément changer de regard. 

Non je ne crois pas. On le voit normalement dans le livre, ces gens-là ont beaucoup de recul. Il y a un autre témoignage dans le livre. Un chef d'entreprise, père de famille, qui explique combien Johnny Hallyday a pu le mettre dans des états incroyables. Il est pourtant très structuré. Toutes les folies des fans de Johnny sont simplement l'illustration d'un amour incroyable et d'un jusqu'au boutisme qui peut étonner, et parfois déborder. Mais lorsque la manche de leur t-shirt est baissé, ce sont des gens normaux. 

Comment Johnny Hallyday vivait ces extravagances de ses fans ? 

Il était lui aussi parfois un peu dépassé parce que personne ne peut imaginer provoquer cela chez autrui. Il le chante d'ailleurs dans la chanson Une vie à l'envers, écrite par Vincent Delerm : "Ton tatouage sur l'avant-bras, ce prénom je le connais. Et pourtant je ne m'habitue pas, je m'y ferai jamais." Dans les années 1980-1990, cela a dépassé l'entendement. Certains fans le suivaient absolument partout dans sa vie privée. Ça l'agaçait évidemment et parfois, il les écartait. Mais il avait aussi beaucoup d'attachement pour eux et parois il les invitait à prendre un café ou boire un coup. Mais Johnny avait une reconnaissance éternelle à son public et une sorte d'addiction. C'est ce qui explique qu'il ne s'est jamais arrêté. Il répétait souvent "C'est vous qui avez fait Johnny Hallyday". 

Quand Johnny coachait Jean-Pierre Raffarin... Il y a beaucoup de témoignages de célébrités. Comment avez-vous réussi à rassembler autant de monde ? 

J'ai envoyé beaucoup de mails et j'ai passé beaucoup beaucoup de coups de téléphone ! Il y en a certains que je n'ai pas lâché parce que je savais leur importance. Ensuite, comme j'avais suivi soixante-dix concerts, je connaissais certains musiciens comme Greg Zlan ou Yarol Poupaud. Ils m'ont donné le contact d'autres musiciens des années 1990 puis des années 80, et c'est venu petit à petit comme ça. 

Quels sont ceux qui vous ont le plus marqué ? 

L'interview avec Jean-Pierre Raffarin où il me dit "De tous les chefs d'État que j'ai reçu à Matignon, Johnny Hallyday est celui qui a le plus retenu l'attention de mes équipes." C'est assez incroyable d'entendre l'ancien Premier Ministre de la France raconter sa passion pour Johnny et témoigner de ses longues heures d'attente devant l'hôtel comme tout le monde. Enfin comme nous, je veux dire... Il raconte aussi cette conversation surprenante où Johnny lui a donné des conseils sur la communication non verbale. Après cela, Jean-Pierre Raffarin a adapté sa manière de parler à la foule : ne pas parler trop tôt, prendre le temps d'observer la salle. J'ai aussi beaucoup été marqué par le témoignage de Joey Greco qui était le guitariste new-yorkais de Johnny en 1963 et 1964 avant son service militaire. Ce gars-là a vécu toute sa vie dans le culte des deux années avec Johnny et de son Olympia avec lui. Toute sa vie, il a attendu un coup de téléphone pour qu'il lui propose une nouvelle collaboration. Il a failli ne pas rentrer dans l'église de la Madeleine mais heureusement, ce sont les fans qui l'ont reconnu. 

Vous évoquez la communauté des "Hallydéens". Cette corporation a-t-elle été divisée par la bisbille autour de l'héritage de Johnny ? 

Non. Quand on aime Johnny Hallyday, on aime Johnny point. On n'est pas dans un camp ou dans un autre. On doit tout le respect nécessaire à David, à Laura et à Laeticia. Ce qui s'est passé avec la question de l'héritage aurait dû rester privé et c'est pour cela que je n'en parle pas une seule fois dans ce livre. Cela ne m'intéresserait pas. Je m'entends toujours aussi bien avec Laeticia, je suis allé voir David en concert et j'ai regardé la dernière série sur France 2 avec Laura. Le seul véritable héritage de Johnny qui compte, c'est son millier de chansons et nos souvenirs. 

Quel souvenir, justement, gardez-vous des concerts de Johnny, chez vous en Béarn ? 

J'adorerais me transposer à son concert aux fêtes de Nay en 1961 mais bon... Le souvenir que j'ai, c'est le premier concert que j'ai vu en 2007 avec le rideau qui s'ouvre et Johnny qui chante L'envie a capella et cette question que je me suis posée : est-ce que c'est le vrai ? Ensuite, le concert de décembre 2012, la dernière semaine de la grande tournée du retour. Johnny chante Rock'n roll attitude et s'avance vers moi et me chante ce couplet les yeux dans les yeux. Comme par hasard, ce soir-là à Pau, dans mon Zénith. C'était vraiment très, très fort. 

Dernière question, immanquable : quelles sont vos trois chansons favorites de Johnny Hallyday ? 

C'est impossible d'en sortir trois sur le millier qu'il a chantées ! Je dirais L'envie parce qu'elle était sur l'album de mes parents et que ce sont les premiers mots qu'il a prononcées sur scène en face de moi à Pau. "Qu'on me donne l'obscurité puis la lumière..." Ensuite, je vais dire De l'Amour sur son album surprise de 2015. Parce que c'est un retour à la musique américaine qu'il aimait tellement et aussi parce que la première fois qu'il l'a chanté, c'était à Lille le 9 octobre 2015. C'est le soir où j'ai rencontré ma fiancée qui est aussi une fan de Johnny. En je dirais Voyage au pays des vivants en 1969, l'époque british blues à Londres avec les meilleurs musiciens anglais qui soient.