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LE FIGARO - Bruce Dickinson : « Iron Maiden était pour moi, joueur de deuxième division, le FC Barcelone »

INTERVIEW - Chanteur, pilote de ligne, escrimeur professionnel… Le leader du dgroupe de metal sera de passage à Lyon jeudi pour une séance de dédicaces de son autobiographie À quoi sert ce bouton (Talents éditions). Le Figaro a rencontré cet hyperactif notoire, qui vient de guérir d'un cancer, pour aborder ses mille vies.  

LE FIGARO. - Pourquoi avez-vous été attiré par le heavy metal plutôt que le punk rock?

BRUCE DICKINSON. - Le «punk» n'existait qu'aux yeux des médias. Ce mouvement a été inventé de la même manière que l'a été la nouvelle vague britannique de heavy metal dans le but de vendre des magazines. Tout ça ne voulait pas dire grand-chose. De nombreux musiciens punk l'étaient simplement parce qu'ils n'étaient pas suffisamment bons pour faire de heavy metal, ce que les groupes de heavy metal ne se privaient pas de leur rappeler. Tout a changé quand les Clash sont arrivés. Ils avaient tout du punk, mais étaient des «songwriters» et artistes engagés avec une dimension électrique dans leur son.

Vous avez un exemple d'autres musiciens de cette dimension en tête?

Leonard Cohen! C'était un excellent conteur d'histoire également. Il était l'illustration du vaste espace que le monde de la musique peut couvrir. Il n'avait pas une voix traditionnelle, mais c'était un chanteur exceptionnel. Sa voix c'est la chanson, l'histoire. C'est quelque chose que j'ai mis du temps à intégrer et à appliquer à moi-même. N'importe qui peut utiliser sa voix pour se la jouer. Moins pour raconter une histoire.

Quels groupes vous ont marqué pendant votre enfance?

Deep Purple a été ma première révélation. Puis, je me suis intéressé aux groupes de rock progressif grâce à Van der Graaf Generator. Ils avaient des chansons sur des gardiens de phare devenus fou [A Plague of Light Housekeeper, NDLR], ça me bottait.

Vous avez rejoint Iron Maiden en cours de route. Comment vous-êtes vous senti au milieu d'un groupe à la renommée internationale?

Le batteur d'Iron Maiden, Clive Burr, avait joué avec moi dans Samson, mon précédent groupe. Il les avait rejoints un an avant moi. Je les connaissais tous un peu pour les avoir croisés plusieurs fois à Londres, mais pas autant que Clive. Si je devais utiliser une image, je dirais que c'était comme si on m'avait recruté comme attaquant dans une équipe de foot en provenance de deuxième division. Je passais d'un club méconnu de Ligue 2 au FC Barcelone. C'était dingue!

Vous accordez une place extrêmement importante à l'escrime dans votre vie. Votre équipement vous accompagne quand vous partez en tournée. Cela vous aide à rester sain de corps et d'esprit?

Exactement. Puis, il y a une philosophie que j'adore dans cette discipline. C'est un sport de combat, au même titre que la boxe ou le tennis. Dans tous ces sports, il y a une guerre qui se joue dans la tête de chacun des joueurs. Et c'est un affrontement psychologique. OK, il faut être en bonne condition physique pour jouer, mais faites s'affronter deux joueurs du même niveau: la différence est dans la tête. Pour moi, c'est ça qui est fascinant dans l'escrime.

Vous êtes également pilote de ligne. Vous brillez aussi bien dans les airs que sur scène...

Je pense qu'il y a des similitudes entre mon job de pilote et celui de chanteur. Quand je me déchaîne devant des centaines de milliers de personnes, tout le monde est conscient de ce que je suis en train de faire. Quand je pilote un avion et qu'il y a 400 personnes à bord, personne ne me voit. Les gens veulent juste arriver à destination et profiter de leurs vacances. Il n'y a que moi et la personne assise à mes côtés qui savons ce que nous venons d'accomplir. Il y a une complicité différente de celle entre le chanteur et son public. On peut avoir trouvé la solution à une montagne de problèmes - avoir évité un crash, par exemple. Au final, personne ne le saura sauf mon copilote. Ainsi va la vie!

Vous avez survécu à un cancer en 2015. Qu'avez-vous appris sur vous-même face à la maladie?

C'est une question très difficile. J'ai sûrement appris des choses, mais je ne peux pas vous dire quoi exactement. Les gens qui vous posent cette question s'attendent forcément à entendre que cette expérience a changé votre vie. C'était l'horreur pendant un an et demi, voilà en quoi ça a changé ma vie. Je ne sais pas si cette expérience m'a rendu plus calme, plus fou, plus déterminé. En tout cas, elle m'a rendu conscient d'exister.

De tous vos albums, lequel est votre préféré? Ou plutôt, lequel vous ressemble le plus?

Je dirais à 60% My Chemical Wedding et le reste pour Tyranny of Souls.

Qu'en est-il d'Accident of Birth, qui semble avoir une place spéciale dans votre cœur?

J'ai fait cet album avec des mecs du “barrio”. Ils étaient tous mexicains-américains. Ce sont des fans de Maiden et de metal. C'est incroyable ce qu'ils sont bons. Donnez-leur des guitares, des congas ou n'importe quel autre instrument, vous verrez. L'exotisme, c'est mon dada. J'adore la musique folk, la musique traditionnelle irlandaise. Si on avait eu le temps, j'aurais mis des violons irlandais dans Empire of Clouds. Ça prend juste du temps et ça coûte très cher d'emmener tous ces musiciens en tournée. Eh puis, vous savez… Si tu ne vends pas de tickets, tu es mort!

LE FIGARO - Interview de Robin Cannone